Pas encore de décision de Powell ?
La banque centrale américaine (Réserve fédérale ou Fed) a un double mandat : d’une part, garantir la stabilité des prix et, d’autre part, viser le plein emploi. Depuis le début de l’année, elle maintient son taux directeur à 4,25-4,50 %, soit nettement au-dessus du niveau neutre de 3 %, parce qu'elle donne la priorité au volet inflation de son mandat. La politique de l'administration US (budgétaire et commerciale) risque de pousser le rythme des hausses de prix au-delà de l’objectif d’inflation de 2 % et ce, alors que marché du travail reste en équilibre.
Le marché part du principe qu’à partir du mois prochain (17 septembre), la Fed placera son mandat relatif à l’emploi au même niveau que celui portant sur la stabilité des prix. Dans la pratique, cela signifie un redémarrage prudent du cycle de normalisation, avec une réduction de taux de 25 points de base. Du côté de l’inflation, rien n'indique encore que les prix à la consommation sont poussés à la hausse par les droits de douane. Et du côté de l’emploi, des signaux d’alerte se sont enclenchés après les fortes révisions à la baisse des chiffres du précédent rapport des "payrolls".
La situation est néanmoins plus nuancée qu'elle n'y paraît. Nous en avons eu un bon exemple la semaine dernière. Jusqu’à mercredi inclus, les risques pesant sur le scénario de base penchaient encore davantage vers un signal plus fort (50 points de base) de la part de la Fed, après la publication du rapport sur l’inflation de juillet et les commentaires de certains responsables politiques (le ministre des Finances, Scott Bessent). Mais à partir de jeudi, l'évolution des prix des producteurs et les commentaires de la Fed ont remis en question le redémarrage du cycle de normalisation. Les prix à la sortie des usines américaines ont ainsi augmenté de 0,9 % en juillet par rapport au mois précédent. En base annuelle, les prix hors énergie et denrées alimentaires ont carrément grimpé de 3,7 %. Pour l’instant, les entreprises absorbent encore une grande partie de ces coûts d’importation plus élevés. Mais la question est de savoir si cela va rester le cas. Selon l’enquête menée auprès des consommateurs par l’Université du Michigan, les anticipations d'inflation ont de nouveau fortement progressé en août : 4,9 % pour l’année prochaine (contre 4,5 % auparavant) et 3,9 % sur le long terme (5-10 ans ; comparé à 3,4 %). La Fed a de son côté souligné que la dynamique du marché du travail était moins alarmante qu'il y a un an, lorsqu'une hausse relativement rapide du taux de chômage l'avait incitée à réduire ses taux de 50 points de base en septembre 2024.
La probabilité que le président de la Fed, Jerome Powell, fasse une annonce ce vendredi a donc encore diminué. Ensuite, l'heure sera venue pour lui de s'exprimer lors du prestigieux symposium de Jackson Hole. Dans le passé, il a déjà, comme ses prédécesseurs Yellen et Bernanke, profité de cette grande messe annuelle pour annoncer un virage politique ou exposer les lignes directrices des prochains mois. Le climat d'incertitude actuel le forcera peut-être à ne pas directement dévoiler son jeu. La barre pour une baisse des taux est plus élevée que ce que le marché pense actuellement. Cela marquerait une période d’hypersensibilité aux chiffres économiques américains et de forte volatilité sur les marchés. Les deux principales échéances sont le rapport sur le marché de l’emploi du mois d’août (publication le 5 septembre) et le rapport sur l’inflation du mois d’août (11 septembre).