Bailey à la barre
La Banque d’Angleterre (BoE) a laissé son taux directeur inchangé à 4 %, mais elle va très bientôt le modifier. La décision d'hier a été prise à la plus courte majorité possible (5 voix contre 4). C’est le grand patron, le gouverneur Andrew Bailey, qui a fait pencher la balance. Lors de la dernière réunion de politique de cette année (18 décembre), ce sera à nouveau le cas, mais Bailey changera de camp.
Hier, la Banque d’Angleterre a publié pour la première fois les arguments individuels des neuf membres du comité, suivant ainsi la recommandation qu'avait formulée l’ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben Bernanke, lors de son évaluation critique du processus décisionnel de la BoE en avril de l’année dernière. Le comité se divise en deux camps. Les quatre membres qui ont voté pour une réduction à 3,75 % hier constatent que les risques d’inflation ne se matérialisent pas et s’inquiètent surtout de la dégradation du marché du travail. L’équipe (sans Bailey) en faveur du statu quo craint pour sa part une inflation plus tenace, pointant les prévisions d'inflation déjà élevées des ménages et la modification structurelle du marché du travail qui entraîne une forte croissance des salaires. Le gouverneur Bailey a brisé l’impasse (4 contre 4) avec une vision modérée. En septembre, l’inflation a atteint un pic de 3,8 %, au lieu des 4 % redoutés. Une évolution encourageante, mais rien ne prouve encore que le processus de déflation a bel et bien démarré. Bailey estime qu'il vaut mieux attendre les chiffres qui le confirmeront ou non, plutôt que de déjà abaisser les taux maintenant.
Il a ainsi ouvert la porte à un assouplissement en décembre. La Banque d'Angleterre part en effet du principe que les facteurs techniques qui ont alimenté l'inflation jusqu'en septembre vont s'estomper. Selon elle, l’inflation devrait ressortir à respectivement 3,5 % et 2,5 % fin 2025 et 2026 et atteindre l’objectif de 2 % à partir du deuxième trimestre 2027. La balance des risques est plus équilibrée qu’auparavant. Les risques baissiers découlant d’une croissance faible et sous-optimale (en dessous de son potentiel jusqu’en 2027) compensent les risques haussiers. À cet égard, cette future intervention de la BoE fait un peu penser aux deux dernières baisses opérées par la Fed au nom d'une gestion rigoureuse des risques.
Comme toujours, les nouvelles projections de croissance et d’inflation tiennent compte des anticipations du marché concernant le taux directeur de la BoE. Le marché situe le plancher à +/- 3,5 %, une estimation à laquelle Bailey souscrit également. Si la nouvelle déclaration de politique fait donc mention d'une "trajectoire (de taux) baissière progressive", cela ne signifie pas nécessairement que le cycle de normalisation devrait encore durer longtemps. La majorité des membres du comité sont d'ailleurs d’accord à ce sujet. La BoE a déjà réduit son taux directeur de 125 points de base au total. Et plus celui-ci se rapproche de son niveau d’équilibre (quel qu’il soit), plus la banque centrale devra faire preuve de prudence dans ses assouplissements.
Le marché sous-estime le scénario d’une baisse de taux en fin d’année en estimant cette probabilité à moins de 70 %. Si cette hésitation est liée au budget à venir (26 novembre), elle est injustifiée. Dans les deux passages de son volumineux rapport de politique où elle mentionne le budget, la BoE évoque une "grande incertitude" et/ou un "report des investissements". Les augmentations d'impôts et les réductions de dépenses prévues dans la proposition de la ministre des Finances, Rachel Reeves, vont en effet peser sur la croissance économique et fournir des arguments supplémentaires à la BoE. La livre sterling s'est bien comportée hier malgré tous ces indices, mais cela pourrait ne pas durer. La perte de soutien des taux, la politique budgétaire qui freine la croissance et le sentiment délicat vis-à-vis du risque rendent la monnaie britannique vulnérable. Si le cours EUR/GBP clôture la semaine au-dessus de 0,88, la voie sera techniquement ouverte à un retour à 0,887 et la zone de 0,90.
EUR/GBP : la livre n’a pas d’atouts à jouer.