Inversion de la dynamique de marché
Parfois, la réaction du marché en dit plus sur la dynamique de fond qui l'anime que sur le sujet même qui suscite cette réaction. Prenons, par exemple, le rapport des payrolls de septembre qui vient d'être publié avec du retard. Jusqu’à présent, le marché estime que la banque centrale américaine (Fed) voudra adopter une approche plus prudente après deux baisses de taux décidées dans une optique de "gestion des risques", sauf si les risques de recul de l'emploi augmentent plus rapidement, et plus surtout rapidement que les risques d’inflation. En septembre, la création nette d’emplois (+119.000) a largement dépassé les attentes du marché (+53.000) et et suggère à première vue que le marché du travail américain ne connaît pas de ralentissement soudain. Le chiffre est bon, mais pas suffisamment pour convaincre davantage le marché que la Fed optera pour un statu quo en décembre. Ce sont d’autres "détails", comme la concentration de la création d’emplois dans certains secteurs, la révision à la baisse des chiffres de l'été (-33.000) ou la nouvelle hausse du taux de chômage (de 4,3 % à 4,4 % ; le taux le plus élevé depuis novembre 2021 et surtout le troisième mois de hausse consécutif), qui ont rapidement attiré l’attention. Les taux américains ont donc perdu plus de 5 points de base sur la partie courte de la courbe. Le marché craint que le chiffre ne soit pas suffisamment solide pour empêcher la Fed, très divisée sur le sujet, de procéder à un troisième assouplissement consécutif (notre scénario priviliégié). D’autant plus que le Bureau américain des statistiques sur le marché du travail a déjà annoncé qu’aucun rapport payrolls ne serait publié pour octobre (aucun chiffre collecté) et que celui de novembre ne paraîtrait qu’après la réunion de la Fed.
D'une manière plus ou moins similaire, les résultats impressionnants du géant de l’IA Nvidia n’ont pas suffi à mettre un terme à la correction boursière. Après avoir ouvert la séance sur des gains d'environ 2 %, le géant de l'IA Nvidia a clôturé sur des pertes d'un ordre de grandeur similaire. Tant le Nasdaq que le S&P 500 ont terminé la journée à des niveaux de support technique cruciaux. L’EuroStoxx 50 se trouve dans la même situation ce matin. Il s’agit à chaque fois des plus bas du mois d’octobre qui coïncident avec la moyenne mobile à 100 jours. L’enjeu pour la séance de cet après-midi aux États-Unis est de taille. Une rupture à la baisse transformerait la correction actuelle en une situation de marché où les investisseurs pourraient profiter de toute éventuelle hausse pour vendre. Et même si soutenir la bourse ne fait pas partie des missions de la Fed, une détérioration du climat de risque pourrait apporter de l'eau au moulin des partisans d’une troisième baisse de taux. Sur le marché des changes, le dollar pondéré des échanges (DXY) se heurte à nouveau à un seuil de résistance technique (sommet de juillet et octobre autour de 100,25). C’est surtout dans un climat de marché hostile au risque que les chances d'une rupture à la hausse augmentent, avec ou sans baisse des taux de la Fed. Dans un tel scénario, le cours EUR/USD pourrait s'orienter vers le plancher du mois d’août à 1,1392. Du côté euro de la comparaison, les chiffres d’aujourd’hui n’ont pas vraiment aidé la monnaie unique. L’indice PMI de confiance des entreprises s’est stabilisé en novembre (52,4 contre 52,5) grâce à un mouvement de rattrapage en France. Le taux de croissance des salaires pour le troisième trimestre s'est pour sa part replié davantage que prévu, de 4 % à 1,9 %. C’est la première fois depuis le dernier trimestre 2021 et le début de la crise inflationniste que la croissance salariale tombe en dessous de l’objectif d’inflation de 2 % de la Banque centrale européenne.
Dollar pondéré des échanges commerciaux (DXY) : sentiment vis-à-vis du risque déterminant pour le sort du seuil de résistance de 100,25.