Le marché digère bien la sortie de Bayrou
Le vote de confiance au Parlement français hier soir a scellé le sort de l’ex-premier ministre François Bayrou et de son gouvernement minoritaire. Le résultat, 364 contre 194, a clairement révélé un pouce baissé en direction de Bayrou et de son objectif apparemment trop ambitieux de remettre le budget sur les rails. Avec un budget de 44 milliards €, Bayrou entendait ramener le déficit de 5,4 % du PIB attendu cette année à 4,6 % en 2026. Un plan qui passe désormais à la trappe.
Une consolidation fiscale est néanmoins nécessaire. La nervosité régnant sur le marché des taux a récemment hissé les taux français à des niveaux égalant le pic de 2023 sur plus de 10 ans. Nul ne sait cependant comment la France y parviendra exactement. Il semblerait que le président français Macron tente sa chance avec un nouveau premier ministre dans les jours qui suivent. Il y a urgence. L’agence de notation Fitch se prononcera vendredi prochain sur la solvabilité française. Le score AA de la France (perspectives négatives) est en jeu. Moody's (Aa3, stable) et S&P (AA-, négatif) se prononceront les 24 octobre et 28 novembre.
Le nouveau premier ministre sera le cinquième en moins de deux ans. Cela en dit long sur les chances de réussite. La tâche est donc loin d’être évidente: réconcilier au sein d’un parlement extrêmement divisé. C’est pourtant de cette façon que Macron évitera de nouvelles élections. Constitutionnellement, tout était possible, plus d’un an après le précédent scrutin anticipé. Mais le risque de sanction émanant des partis au pouvoir est trop élevé. Dans un tel scénario, même la position de Macron est remise en question. L’impasse politique est donc terminée.
Macron dispose de plusieurs options, mais aucune d’entre elles ne semble attrayante. L’an dernier, Les Républicains n’ont pas réussi à évincer les conservateurs. Fin 2024, Michel Barnier a été congédié par un vote de confiance. Ensemble, le « bébé » de Macron, n’avait pas non plus fait de miracles, que ce soit avec Gabriel Attal (démission après les élections anticipées désastreuses) ou maintenant avec Bayrou.
Dans la pratique, en raison de l’écheveau politique tout effort futur d’assainissement budgétaire sera inévitablement moins important que sous Bayrou. Et la France est d’ores et déjà le pays le plus endetté de la zone euro. Une situation intenable à long terme. La réaction des marchés de ce matin constitue toutefois un soulagement mesuré. Les investisseurs s’attendent à ce qu’une figure de compromis comme deus « ex machina » puisse maintenir la situation (chaotique) pendant au moins quelques semaines et, dans le meilleur des cas, plusieurs mois. Ils considèrent l’impasse comme l’issue la moins déroutante vu les alternatives encore pires. Les taux français s’effondrent de quelques points de base alors que les références allemande et européenne sont à peu à égalité. L’euro a atteint ses récents sommets autour de EUR/USD 1,175. Avec le risque français extrême parfaitement écarté, un affaiblissement du dollar permettra peut-être tout à l’heure d’atteindre son pic pluriannuel à 1,1829. Le Bureau of Labour Statistics américain, l’instance à l’origine des payrolls mensuels, publiera cet après-midi le remaniement annuel de la croissance de l’emploi. Les analystes présument qu’elle est surestimée de 700 000 pour la période comprise entre avril 2024 et mars 2025. L’année dernière, il s’agissait de la deuxième correction la plus importante à ce jour, à -818k, et l’idée que le marché du travail sous-jacent était plus faible qu’initialement prévu, en partie à l’origine du démarrage agressif de la Fed dans le cycle de normalisation (-50 pb).
EUR/USD: l’euro digère bien la sortie de Bayrou. La faiblesse de l’USD va-t-elle déclencher un test sur 1,1829?