EUR/USD: complications politiques ?!
Le symposium de Jackson Hole organisé par la Réserve fédérale américaine (Fed) marque traditionnellement la fin des vacances monétaires. Il était difficile de savoir à l'avance si le président de la banque centrale, Jerome Powell, allait uniquement se concentrer sur la révision quinquennale du cadre de politique monétaite ou s'il allait aussi commenter le contenu de cette politique. Il a finalement abordé les deux sujets.
Commençons par le cadre. Le moins que l'on puisse dire, c’est que la version de 2020 n'aura pas fait long feu. Difficile de le concevoir aujourd'hui, mais à l'époque, la Fed tentait de cadrer sa politique dans un contexte d’inflation structurellement trop basse et de taux directeur proche de zéro. Ce dernier point ne posera plus de problème jusqu'à nouvel ordre. Après la crise de l'offre et de l'inflation, la Fed a également imaginé de compenser une période d'inflation trop faible par une inflation temporairement légèrement plus élevée. L'idée s'est finalement avérée illusoire. L'expérience montre que les anticipations d'inflation doivent à tout moment rester solidement ancrées. En 2020, l'idée prévalait qu'un taux d'emploi élevé n'était pas forcément inflationniste. Ce n’est pas non plus nécessairement le cas aujourd'hui, mais les risques d’inflation font tout de même l'objet d'une attention accrue. Lorsque l'emploi et l'inflation envoient des signaux contradictoires pour la politique monétaire, la Fed se laisse guider par l'horizon temporel dans lequel elle s'attend à ce que les deux reviennent à leurs niveaux d'équilibre. Concrètement : en cas de brève flambée de l’inflation combinée à une période potentiellement plus longue de chômage trop élevé, c’est ce dernier facteur qui pèse le plus dans la balance. En 2022-2024, l’inflation figurait donc en tête de la liste des priorités de la Fed.
Cette dernière "règle" fait le lien avec le contexte actuel. La Fed se laisse évidemment guider par les données, mais Powell observe des signes selon lesquels l’incidence des droits de douane sur l’inflation pourrait être de courte durée. Le faible taux de chômage actuel est quant à lui le résultat d'une situation relativement étrange marquée par une demande de main-d'œuvre en baisse, mais provisoirement compensée par une offre de travail plus faible. Cette balance risque cependant d'évoluer dans le mauvais sens si les entreprises ne se contentent plus de limiter la demande, mais commencent effectivement à licencier. La Fed pourrait alors continuer à assouplir sa politique, surtout dans un contexte où le taux directeur est encore restrictif. Un rapport sur le marché du travail et un autre sur l’inflation vont encore être publiés avant la réunion de la Fed du 17 septembre, mais le marché a évidemment capté le signal et évalue la probabilité d'une baisse de taux le mois prochain à 80 %+. Une deuxième intervention est anticipée pour la fin de cette année, mais en cas de faiblesse des chiffres, le scénario de trois assouplissements consécutifs lors des trois dernières réunions de l'année n'est pas à exclure.
En principe, cela constitue aussi une mauvaise nouvelle pour le dollar. Vendredi, le cours EUR/USD est passé au-dessus de 1,17. Mais hier, l'euro s'est heurté à un nouvel obstacle. Le Premier ministre français, François Bayrou, a en effet annoncé la tenue d'un vote de confiance sur la politique budgétaire (le 8 septembre), faisant ainsi de nouveau planer le spectre d'un chaos politique et budgétaire. Le cours EUR/USD a rapidement perdu les gains engrangés durant Jackson Hole. Toutefois, le billet vert est également confronté à des "complications politiques". Avec l'annonce du limogeage de la gouverneure Lisa Cook, Trump s'attaque une nouvelle fois à l’indépendance de la Fed. Cet équilibre entre faiblesses et incertitudes pourrait maintenir la paire EUR/USD dans la fourchette comprise entre 1,1392 et 1,1829 pendant encore un petit moment.
EUR/USD: la fourchette comprise entre 1,1392 et 1,1829 pourrait encore tenir un moment.