Une approche graduelle insuffisante pour le yen
La décision est prise. Après avoir joué pendant plusieurs mois à "fera, fera pas ?", la Banque du Japon (BoJ) a relevé son taux directeur de 25 points de base (pb) à 0,75 %, son plus haut niveau depuis 1995. La banque centrale poursuit ainsi son processus de normalisation extrêmement progressif. Les taux d'intérêt japonais continuent leur ascension. Le yen est pour sa part moins impressionné.
En prenant un peu de distance, force est de constater que le taux directeur ne se situe encore qu’à 0,75 %. La BoJ vise un objectif d'inflation de 2 %. Coïncidence, les chiffres de l'inflation ont également été publiés ce matin. La hausse des prix (hors produits alimentaires frais) s'est élevée à 3 %. Il faut remonter à mars 2022 pour retrouver un indicateur inférieur à 2 %. Pourtant, la BoJ se trouve toujours dans une phase où elle veut s’assurer que la déflation est structurellement terminée et que l'inflation se maintiendra durablement autour de 2 %. La spirale haussière entre les salaires et le niveau général des prix soutient ce processus. Les négociations salariales collectives (Shunto) ont abouti le printemps dernier à une augmentation moyenne de 5,4 % et il semble que les organisations syndicales viseront au moins un résultat similaire en 2026. Pourtant, les prévisions d'inflation de la BoJ pour 2027 ne dépassent pas 2 %. Le signe d’une crainte profonde de la déflation, mais peut-être aussi de l'inertie d'un système habitué depuis des années à une politique monétaire ultra-souple et à un argent quasi gratuit. Le processus de sevrage prend manifestement beaucoup de temps. Et cela transparaît également dans la déclaration de politique générale.
La BOJ se dit persuadée que la spirale salaires-prix se poursuivra, ce qui lui permettra de continuer à normaliser sa politique monétaire. Dans le même temps, elle souligne que les taux d'intérêt réels resteront négatifs afin d’offrir un soutien solide à la croissance économique. On peut également y voir un signe de compréhension adressé au nouveau gouvernement de la Première ministre Sanae Takaichi, qui veut à nouveau s’engager dans une politique stimulante dans la tradition de l'Abenomics. Pour elle, la politique ne doit certainement pas être resserrée trop rapidement.
Sur le marché, cette dichotomie entretient les doutes quant au rythme des prochains relèvements. Nous nous attendons à une nouvelle intervention dans six mois, à condition que tous les facteurs économiques et politiques s'alignent favorablement. En attendant, ce sont surtout les rendements obligataires à long terme qui font une partie du travail que la BoJ ne peut ou ne veut pas assumer pleinement. Le taux à 10 ans japonais a aujourd'hui franchi la barre des 2 %, pour atteindre son niveau le plus élevé depuis 1999. Le taux à 30 ans s'était déjà fortement normalisé (3,43 %), en intégrant une importante prime de risque budgétaire en plus de l'ajustement lié à la politique monétaire. L’approche prudente de la BoJ, qui entend ménager la chèvre et le chou, n'aide pas le yen japonais. Malgré les signes d'une poursuite de la normalisation, la devise japonaise a de nouveau touché un niveau historiquement bas par rapport à l'euro (EUR/JPY 184) ce matin.
EUR/JPY : le yen à un plus bas historique par rapport à l’euro. Normalisation de la BoJ trop timide pour soutenir le yen.