Les taux augmentent, les courbes se raidissent
La hausse des taux d’intérêt japonais, suite au feu vert donné par le président de la banque centrale japonaise (BoJ), Kazuo Ueda, à un nouveau relèvement du taux directeur ce mois-ci, a fait tâche d'huile. Les taux européens, britanniques et, après quelques hésitations, américains ont suivi le même chemin. Les courbes des taux sont devenues à nouveau plus raides en raison d’une progression plus marquée à l’extrémité longue de la courbe. Le retour des primes de risque se trouve au cœur de notre vision sur les taux à long terme.
Pointer les taux japonais comme unique responsable serait néanmoins excessif. Au Royaume-Uni, le rallye de soulagement (dans les Gilts britanniques) qui s'était enclenché après la présentation du budget le mercredi 26 novembre s'est dans les faits déjà arrêté à la fin de la semaine dernière. Reeves n’a pas réussi à dissiper les doutes autour de la crédibilité des finances publiques britanniques et du coussin budgétaire. Les marchés réduisent progressivement l’avance qui avait été prise à l’approche du budget. En réalité, les taux européens sont en hausse depuis la mi-octobre. Au début de ce mois, une légère correction à la baisse avait encore eu lieu en raison des tensions entre les États-Unis et la Chine. Mais maintenant que les obstacles commerciaux ont été levés pour au moins un an, le marché des taux européens reprend là où il s'était arrêté fin mars, avant le Liberation Day. Il a pris conscience que la politique budgétaire, et non plus la politique monétaire, devra soutenir la croissance dans les années à venir. Tant au niveau national qu’au niveau européen. Maintenant que toutes les autres options sont épuisées, la Commission européenne envisage, par exemple, l'émission d'une dette conjointe pour couvrir un prêt de plusieurs milliards à l’Ukraine avec les actifs russes gelés en garantie. Les obligations européennes s'imposent de plus en plus comme la solution de moindre résistance. Le taux swap à 10 ans européen a atteint un nouveau sommet annuel à 2,8 %. Et le taux swap à 30 ans s'affiche pour la première fois depuis 2023 au-dessus de 3,1 %.
Les taux d’intérêt américains ont suivi le mouvement, avec un léger retard. Contrairement à leurs pendants européens, ils flirtent actuellement avec leurs plus bas de l'année plutôt qu'avec leurs plus hauts. À l’extrémité courte de la courbe, la divergence entre les politiques de la BCE et de la Fed joue indéniablement son rôle. À l’extrémité longue, l'institution d'émission américaine inspire de nouveau confiance maintenant qu'il apparaît que l'audacieuse stratégie commerciale adoptée n’a pas vraiment eu d'effet boomerang. Au contraire, elle aide temporairement à combler le déficit budgétaire. Dans le même temps, le marché craint que la croissance américaine tombe à son niveau le plus bas (moins de 2 %) au cours des prochaines années (exception faite des années de récession).
Le fait que les taux américains aient tout de même suivi la tendance mondiale pourrait être dû aux signes croissants de pénurie de liquidités. Depuis hier, la Fed a officiellement arrêté de réduire la taille de son portefeuille d'obligations achetées dans le cadre de son programme d'assouplissement quantitatif afin d’éviter une crise de liquidité telle que celle que nous avons connue en 2019. Les récentes hausses des taux de référence interbancaires garantis (SOFR ou TCGR, par exemple) signalent une recherche de liquidité dans au moins certaines parties du marché. En parallèle, les volumes de titres exigés par les acteurs du marché auprès des facilités de la Fed qui agissent comme une source de financement à court terme de secours (Standing Repo Facility) augmentent. Le taux SRF correspond à la limite supérieure du taux cible des Fed Funds (3,75 % - 4 %). En plus de son caractère stigmatisant, ce taux est souvent plus élevé que celui du marché repo interbancaire, et les acteurs du marché préfèrent y recourir le moins possible.
Nouveau sommet annuel pour le taux swap à 10 ans dans l'UE