Un franc suisse de nouveau difficile à arrêter
Le franc suisse (EUR/CHF 0,9217) se trouve à un cheveu d'un cours record par rapport à l’euro. Nous faisons ici abstraction de la journée chahutée qu'avait connue la monnaie début 2015, lorsque la banque centrale (SNB) avait mis fin au taux plancher de 1 euro pour 1,20 franc. Pourquoi maintenant ? Qu'est-ce que cela signifie pour le pays ? Et quelles sont les options pour la BNS ?
Petit retour en arrière pour commencer. Après un renforcement significatif entre début 2021 et fin 2022 (dans un contexte de conditions monétaires généralement accommodantes), le franc a évolué dans une fourchette plus modérée comprise entre EUR/CHF 1,00 et 0,92, surtout en 2024 et au premier trimestre 2025. Le franc n'était certes pas faible, mais la combinaison de faibles coûts internes et d'une monnaie forte fait partie intégrante de l'ADN de la politique suisse. En termes un peu plus techniques, le taux de change effectif réel est resté à des niveaux gérables. La politique tarifaire américaine a également été un coup dur pour la Suisse qui, en raison de son excédent important, s'est vu imposer des droits de douane de 39 %. Contrairement à beaucoup de ses concurrents, Berne n'a pas encore réussi à conclure un accord avec Washington en vue de réduire ces surtaxes. Cela met donc la compétitivité sous pression. Par ailleurs, le franc a une nouvelle fois profité de son statut de valeur refuge à l'occasion du "Liberation Day". La paire EUR/CHF a testé la zone record de 0,92. Ce cockail a un effet déflationniste, alors que l’inflation suisse était déjà retombée au-dessous de 0,5 % en début d’année. La SNB a abaissé son taux directeur à 0 % en juin et, le mois dernier, il est apparu qu'elle était à nouveau intervenue sur le marché des changes au deuxième trimestre (5,1 milliards de francs) dans le but d'atténuer les pressions déflationnistes. Le calme semblait être revenu au moment de la réunion de la banque en septembre (EUR/CHF 0,93), mais les dominos ont de nouveau basculé "en faveur" du franc ces dernières semaines.
Le regain d'aversion pour le risque provoqué en Europe par le chaos budgétaire en France a entraîné un mouvement de retraite des capitaux dans le franc suisse. Et ce mouvement s'est encore accéléré la semaine dernière en raison du mini-séisme causé par la reprise de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et les incertitudes en matière de crédit aux États-Unis. Dans un tel contexte, le yen était auparavant aussi prêt à absorber une partie des capitaux en fuite, mais c'est moins le cas aujourd'hui étant donné les incertitudes politiques et budgétaires qui règnent au pays du soleil levant. Reste cependant maintenant à savoir si la monnaie de la petite Suisse est suffisamment liquide pour pouvoir vraiment jouer un rôle de valeur refuge universelle. Quoi qu'il en soit, le franc est aujourd'hui où il est. À côté de l’or et d’autres actifs rares, il demeure aussi une solution de diversification.
Et maintenant? Les options de la BCE sont limitées. Les taux d'intérêt négatifs ne plaisent pas à l'important secteur financier et les interventions sur le marché des changes ont un coût. Ces mesures n'aideront pas à régler le différend avec les États-Unis, même si la Suisse affirme qu'elles s'inscrivent uniquement dans le cadre d'une politique monétaire (anti-déflationniste). La SNB n'est elle-même pas encline à gonfler davantage la part des actifs étrangers à son bilan. En cas de nouvelle appréciation du franc, elle risquerait des pertes.La SNB publiera pour la première fois le procès-verbal de sa (précédente) réunion de politique plus tard dans la semaine. En théorie, cela devrait permettre de rendre la communication sur la politique plus claire. Nous attendons ce document avec impatience, mais nous serions surpris de voir la SNB dévoiler réellement son jeu sur un sujet aussi "tactique" que les interventions. Pour la banque centrale, il n'y a probablement plus grand-chose à faire, si ce n'est tenter de limiter les "dégâts haussiers".
EUR/CHF : nouveau cours record pour le franc.