Vague d’aversion pour le risque en provenance des États-Unis
La sombre prédiction du PDG de JP Morgan, Jamie Dimon, n'a pas tardé à se réaliser. Lors de la présentation des résultats de la célèbre banque d'affaires américaine mardi, il avait mis en garde contre les récentes faillites de Tricolor Holdings et First Brands en utilisant la métaphore du cafard. "Si vous en voyez un, c'est qu'il y en a d'autres". Hier, deux banques régionales américaines (Zions et Western Alliance) ont enregistré de lourdes pertes à la suite de radiations sur des prêts accordés à un fonds investissant dans des prêts hypothécaires en raison de soupçons de fraude. Deux jours après la prédiction de Dimon, le marché est soudainement suspendu à une histoire de crédit.
Les problèmes se situent dans le circuit, moins réglementé, des banques parallèles ("shadow banking". Tricolor Holdings octroyaient des prêts automobiles à des profils qui rencontrent plus de difficultés à emprunter auprès des organismes financiers traditionnels. First Brands a, pour sa part, utilisé (trop) abondamment ce circuit parallèle pour se bâtir un véritable empire dans le domaine des pièces automobiles via des acquisitions. Dans les deux cas, il était question de fraude et, dans les deux cas, le secteur financier traditionnel s'est retrouvé exposé par le biais de prêts accordés aux entreprises. Pour paraphraser de nouveau Dimon : "ce n’était pas notre meilleure inspiration". Le marché flaire le danger et s'interroge à propos du modèle économique souvent opaque des différents acteurs du capital-investissement et des produits financiers structurés qui y sont liés.
L’annonce d’hier a provoqué un effet papillon. Une vague de ventes d'actions de banques régionales américaines a entraîné les indices plus larges à la baisse et a plongé le marché dans une ambiance de forte aversion pour le risque. Depuis mercredi soir, les taux américains ont perdu jusqu'à 10 points de base sur la partie courte de la courbe. Tant le taux à 2 ans que celui à 10 ans sont ainsi passés sous leurs niveaux de support technique respectifs de 3,5 % et 4 %. En l’absence de chiffres américains officiels, ces événements poussent le marché à miser plus rapidement sur des abaissements (plus importants) de taux par la Fed. Ici et là, un parallèle est établi avec la chute de la Silicon Valley Bank américaine en mars 2023. Si les problèmes à l'origine de cette crise chez certaines banques régionales n'est pas comparable (mauvaise gestion du risque de taux et finalement panique bancaire), celle-ci avait bien eu un impact sur la politique de la Fed. En fin de compte, le président de la Fed, Jerome Powell, et ses collègues avaient troqué la hausse anticipée de 50 points de base (pb) par un relèvement plus modéré de 25 pb, dans un souci d'équilibre entre les risques d'inflation et les craintes d'instabilité financière. La perte de soutien des taux et l’aversion pour le risque liée à l'actualité aux États-Unis pèsent sur le dollar. La paire EUR/USD se trouve à nouveau en terrain plus neutre (1,17), d’autant plus que l’euro profite, du moins provisoirement, du déblocage de la situation en France. Les marchés des actions et des taux européens (-1,5 %) ne sont pas immunisés contre les problèmes américains. C’est surtout l’extrémité courte de la courbe qui est sous pression, même si plusieurs membres de la BCE, dont la présidente Christine Lagarde, martèlent leur message de stabilité sur le marché. En cette veille de week-end et face à l'absence de nouvelles économiques, la vigilance reste de mise.
Le taux à 2 ans américain passe sous le niveau de support de 3,5 %.