Plus que de simples craintes inflationnistes pour la BoE
Les chiffres de l'emploi publiés au Royaume-Uni envoient un premier signal d'alerte aux marchés des taux britanniques et à la livre sterling. Depuis la dernière réunion de politique de la Banque d’Angleterre (BoE), ces derniers ont largement adhéré à l'idée d'une fin provisoire du cycle de baisse des taux d'intérêt britanniques. Mais la réalité est plus nuancée que l'image réductrice d'une inflation sévère.
En août, les prix au Royaume-Uni ont augmenté de 3,8% en base annuelle. En septembre, le taux d’inflation devrait culminer à 4% (publication le 22 octobre). Ce chiffre sera le seul mis à disposition de la banque entre sa réunion de septembre et celle de novembre (06/11). La baisse en direction des 2% ne devrait réellement s’amorcer qu’à partir de l’année prochaine. Au sein de la banque centrale, où les avis sont partagés, les faucons plaident, par la voix de Megan Greene par exemple, en faveur d'un taux directeur inchangé au moins jusqu’à la fin de l’année. Selon cette dernière, la hausse des prix des denrées alimentaires, via les anticipations d'inflation, et le net renchérissement des prix des services menacent de se répercuter sur les salaires. Catherine Mann, autre membre du comité de politique de la BoE, et l’économiste en chef Huw Pill partagent clairement ce point de vue.
Du côté des colombes au sein du comité de politique monétaire de la banque, on retrouve notamment des personnes comme Swati Dhingra et Alan Taylor. Ces derniers ont déjà voté en faveur d’un nouvel abaissement de taux en septembre. Ils ne veulent pas prendre le risque de priver l’économie d’oxygène plus longtemps que nécessaire. Ils craignent qu’à terme, l’inflation ne descende trop en dessous de l’objectif de 2 %. En outre, ils mettent en garde contre la situation sur le marché du travail britannique. Selon eux, l'emploi se trouve dans une position plus vulnérable que ne le laissent supposer les chiffres officiels (qui ont deux mois de décalage). Les chiffres publiés ce matin apportent de l'eau à leur moulin. L’indicateur salarial favori de la banque centrale (croissance des salaires dans le secteur privé hors primes) a ralenti de 4,7% à 4,4% en base annuelle entre début juin et fin août par rapport aux trois mois précédents. Le marché tablait sur un taux de 4,5 %. Sur la même période, le taux de chômage britannique a augmenté de manière inattendue, de 4,7 % à 4,8 %, son niveau le plus élevé depuis mai 2021. La dynamique sous-jacente mérite une attention particulière. Nous faisons l'analogie avec les États-Unis, où la "règle de Sahm" n'est jamais loin depuis l'année dernière.
En septembre 2024, cette règle a notamment incité la Fed à entamer rapidement son cycle de taux (assouplissement de 50 points de base). La règle de Sahm consiste à comparer la moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage avec son niveau le plus bas des 12 mois précédents. Si la différence dépasse 0,50%, la probabilité est alors forte que l’économie soit au bord de la récession ou déjà en récession. Au Royaume-Uni, l'écart s’élèvait à 0,63% en août. Le valeur seuil a donc été dépassée pour le troisième (!) mois consécutif (0,56 % en juin et 0,60 % en juillet).
Les risques baissiers sur l’emploi et la croissance pourraient être déterminants pour le président de la BoE, Andrew Bailey, dont la voix risque d'être décisive le 6 novembre. Lors de ses interventions publiques le mois dernier, Bailey a souvent joué la carte de la prudence en pointant les signaux alarmants envoyés par le monde de l'entreprise à propos de la situation sur le marché de l'emploi. Ce soir, le président de la BoE s'adressera à la presse en marge de l'assemblée annuelle de la Banque mondiale et du FMI. La livre sterling pourrait se retouver sous pression s'il plaide en faveur d'une nouvelle réduction de taux. Pour l’instant, le marché monétaire britannique évalue cette probabilité à seulement 16,5 %, alors qu'une nouvelle baisse est entièrement anticipée pour mars de l’année prochaine. Si l'on ajoute à cela les possibles problèmes budgétaires à l'automne, une rupture au-dessus de EUR/GBP 0,8768 demeure notre scénario privilégié.
EUR/GBP : la livre demeure vulnérable.