Le marché sous-estime le risque d'élections en France
Le président français Emmanuel Marcon a demandé à son Premier ministre démissionnaire Sébastien Lecornu de rester en selle jusque mercredi soir. Ce dernier discutera une dernière fois avec les principaux blocs politiques afin de trouver un soutien en vue de former un gouvernement capable de faire passer le budget de l’année prochaine devant un parlement divisé.
Trois scénarios sont sur la table. Le premier verrait Macrongagner du temps en nommant un nouveau Premier ministre - le cinquième depuis les élections anticipées de l’été dernier – afin de s’attaquer au budget. Il s'agirait avant tout d'une manipulation législative visant à prolonger le budget de cette année. Officiellement, le projet de budget pour l’année prochaine doit être déposé pour le 13 octobre. Étant donné la fragmentation du paysage politique français, nous craignons qu'un tel nouveau gouvernement ne survivra pas à la prochaine motion de censure. Néanmoins, au vu de leur réaction hier, nous constatons que ce scénario reste pour le moment celui qui est privilégié par les marchés. Les primes de crédit françaises, les bourses et l’euro se sont retrouvés sous pression dans la matinée suite à la démission surprise de Lecornu, mais une partie de ces pertes a ensuite été récupérée après l’annonce de la prolongation de son mandat jusque mercredi soir.
La deuxième option constitue, selon nous, le scénario inévitable : de nouvelles élections législatives. Les principaux blocs d'opposition se sentent pousser des ailes en rejetant la faute de cette crise politique et budgétaire sur le président. Après la lourde défaite de son parti de centre-droite Renaissance aux élections européennes, Macron avait sollicité le soutien des électeurs français en les rappelant aux urnes (deux ans après les élections officielles de 2022). Ces derniers ne l'ont cependant pas suivi et le président porte donc entièrement la responsabilité de la crise qui en a découlé. La loi française prévoit que les élections doivent avoir lieu dans les 20 à 40 jours qui suivent leur convocation. L’année dernière, Macron avait opté pour le délai le plus court (20 jours). S'il fait le même choix cette fois-ci, cela signifie que le premier tour pourrait être organisé le dimanche 2 ou le dimanche 9 novembre. Nous estimons que les marchés ne tiennent pas suffisamment compte de cette probabilité. En cas d’élections anticipées, l’euro sera très vulnérable à court terme, avec un cours EUR/USD de 1,1392 comme premier seuil technique. Sur le marché des taux, nous avons vu hier que le thème du budget était à nouveau à l'avant-plan sur la partie longue de la courbe. Globalement, les primes de risque de crédit ont augmenté d’environ 3 à 5 points de base.
Pour Macron, le dernier choix possible serait de jeter l'éponge. Ce scénario est, selon nous, peu probable. Les prochaines élections présidentielles sont prévues pour 2027. En vertu de la constitution française, Macron ne pourra plus se présenter vu qu'il aura effectué deux mandats consécutifs. Sans alternative valable au sein de ses propres rangs, il risque donc de dérouler le tapis rouge pour le très populaire leader du Rassemblement National. Dans le passé, le candidat d'extrême-droite a souvent dû s'incliner dans le système électoral français à deux tours, mais les récents sondages montrent que Bardella aurait des chances de l'emporter malgré les votes tactiques contre lui. Macron ne peut et ne veut pas courir ce risque.
EUR/USD : euro très vulnérable à court terme