La nouvelle Première ministre japonaise agite les marchés
Avec la fermeture du gouvernement américain, la plupart des données outre-Atlantique prévues ne seront pas publiées. La semaine risquait d’être ennuyeuse pour les marchés. Mais surprise: ce matin, ce sont les thèmes politiques qui sèment l’agitation. L’impact sur le marché (tchèque) de la victoire du parti populiste de droite d’Andrej Babis (l’ANO) reste limité, même si le nouveau gouvernement mènera une politique budgétaire un peu moins orthodoxe. Cependant, la nomination de Sanae Takaichi comme nouvelle dirigeante du PLD et donc première Première ministre du Japon crée des remous au Japon, mais aussi sur les marchés obligataires. Et enfin, un nouveau rebondissement dans la saga politique française remet en avant le thème perpétuel de la viabilité des finances publiques.
Vendredi, nous avions parlé de la politique monétaire du Japon. “Normalement”, tout laissait présager un nouveau relèvement des taux d’intérêt de 25 pb à la fin du mois. Or, dans l’attente d’un nouveau chef de gouvernement et la perspective de changements éventuels dans la politique fiscale, la Banque du Japon (BOJ) a fait preuve de réserve dans ses commentaires. Une stratégie qui ne s’est pas avérée mauvaise: de manière quelque peu inattendue, c’est Sanae Takaichi qui l’a emporté, damant le pion à Shinjiro Koizumi, plus prudent sur le plan fiscal. L’on s’attend à ce que la politique de Takaichi s’inspire de “l’Abenomics”. Malgré la dette élevée, la politique fiscale restera stimulante. Surtout dans un nouveau contexte d’inflation supérieure à 2%, il est logique de s’attendre à ce que la BoJ veuille faire contrepoids. La banque centrale a beau être indépendante, elle doit tenir compte de la politique du gouvernement pour déterminer son approche par rapport à l’inflation. Les décisions concrètes restent à voir, mais Takaichi a plus d’une fois laissé entendre qu’elle n’est pas partisane d’une politique monétaire plus stricte. Ce sera donc un numéro d’équilibriste pour le gouverneur de la BoJ, Ueda, et ses collègues. Ce matin, la réaction du marché illustre deux aspects divergents. D’une part, la bourse japonaise se réjouit d’une politique budgétaire et monétaire accommodante (Nikkei: +4,75%). D’autre part, le yen touche un plancher historique face à l’euro (EUR/JPY 175+). Le cours USD/JPY franchit également le cap de 150. Le marché des obligations japonais s’inquiète de la viabilité fiscale des mesures à venir. Le taux à 30 ans atteint un niveau record de 3,30% (+14 pb). Reflation trade en bourse, primes de risque plus élevées sur l’extrémité longue de la courbe: une contradiction interne? Ce sera intéressant à suivre.
Précédemment cette année, des primes de risque plus élevées à l’extrémité longue de la courbe au Japon et/ou au Royaume-Uni avaient pu provoquer des dommages collatéraux. Actuellement, les taux américain et allemand à 30 ans augmentent de 4 pb. Au Royaume-Uni, il est question d’une hausse de 6 pb. Pour la France, cette tension ne saurait être plus malvenue, alors que nous venons d’apprendre que le Premier ministre Lecornu jette l’éponge un jour seulement après que le président Macron a nommé une “nouvelle” équipe gouvernementale. Encore une fois, la résolution du casse-tête budgétaire français ne semble pas pour demain. Le taux français à 10 ans augmente de 8 pb (3,6%). La prime de risque au-dessus du swap atteint un nouveau sommet (89 pb!). Et du fait du chaos politico-budgétaire en France, outre le yen, c’est surtout l’euro qui est sous pression. Le cours EUR/USD chute à 1,166. La monnaie unique ne parvient même pas à suivre la livre (EUR/GBP 0,8685). Pas besoin de chiffres américains, donc, pour un début de semaine mouvementé. Le thème budgétaire redevient dominant.
Le taux japonais à 30 ans contemple des “risques fiscaux”