Le Japon retient son souffle
La faible volatilité donne des ailes aux bourses en ce début de nouveau trimestre. Tant l'EuroStoxx 50 européen que le S&P 500 américain ont touché de nouveaux sommets hier. Sur le marché des changes, l’appétit pour le risque a freiné le retour du yen japonais. Les cours USD/JPY et EUR/JPY se sont tous les deux heurtés à des niveaux de résistance de respectivement 150 et 175 fin septembre.
La monnaie japonaise surfe sur les anticipations concernant l'issue de la prochaine réunion de politique de la Banque du Japon (BoJ) du 30 octobre. La balance a commencé à pencher en faveur d'un relèvement de taux après la précédente réunion de mi-septembre. Pour la première fois sous la présidence de Kazuo Ueda, deux des neuf membres du comité n'ont en effet pas été d’accord avec la décision de maintenir le taux directeur inchangé et ont plaidé pour un rehaussement (à 0,75 %), le premier depuis janvier.
Les commentaires d'Asahi Noguchi, membre du directoire de la BoJ, et les résultats de l’enquête Tankan ont encore fait davantage pencher la balance par la suite. Considéré comme une colombe monétaire, Noguchi avait voté à deux reprises contre un relèvement de taux l'année dernière. Dans un récent discours, il s'est néanmoins déclaré en faveur d'un resserrement dans un avenir proche, afin de faire face aux risques de hausse de l'inflation. L’enquête trimestrielle Tankan, publiée par la BoJ, a quant à elle confirmé la trajectoire économique tracée par la banque centrale sur le marché en juillet. Le vice-gouverneur Shinichi Ushida et Ueda ont hier et aujourd’hui confirmé qu'il s'agissait d'une condition nécessaire pour passer à l'étape suivante. Ils ont ajouté que l’accord tarifaire conclu entre le Japon et les États-Unis supprimait une partie des incertitudes (et des risques baissiers).
Les deux hommes ne sont toutefois pas allés jusqu'à annoncer officiellement au marché l'imminence d'une hausse de taux, même si la persistance d'une inflation élevée plaide également en faveur d'une telle mesure. Au niveau national, l'inflation de base sous-jacente dépasse 3 % et les fortes hausses salariales (5 à 6 %) alimentent le risque de rétroaction. Les anticipations inflationnistes (à 5 ans) dans l'enquête Tankan constituent un repère important pour la banque centrale. Celles-ci sont passées de 2,3 % au deuxième trimestre à 2,4 % et s'éloignent donc un peu plus de l’objectif de 2 %.
La raison pour laquelle les marchés (et la BoJ) restent prudents est à chercher dans les événements de ce week-end. Les Japonais retiennent leur souffle. Non seulement parce qu'ils ne savent pas si leur Asahi Super Dry bien-aimée continuera de couler, mais aussi dans l'attente du résultat de l'élection du nouveau chef du parti LDP actuellement au pouvoir. Des candidats de différents horizons ont une chance de remporter le poste et le siège de Premier ministre qui l'accompagne. De fervents partisans de la politique stimulante de l’Abenomics à des conservateurs purs et durs en matière de fiscalité. Dans un contexte d’inflation supérieure à 2 %, la banque centrale, indépendante, ne se laissera en principe pas influencer, mais elle craint un autre risque : des élections législatives anticipées. Le LDP gouverne, mais est minoritaire dans les deux chambres. Il est donc probable que le nouveau président de parti demande un nouveau mandat à l’électeur. La BoJ, extrêmement sensible, pourrait se passer de ce facteur d'incertitude interne. Quoi qu’il en soit, notre scénario privilégié reste un relèvement de taux qui permettrait à la devise japonaise de s'éloigner davantage des zones de support technique.
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