La Fed et les marchés s’enfoncent dans la brume
Ce matin, le temps est écoulé: le gouvernement fédéral américain a fermé boutique. Le robinet de financement est à sec, ou du moins, la pression est en chute libre. Cela a des conséquences pour les acteurs économiques qui font appel à ces services publics, ainsi que pour les fonctionnaires, exposés à un risque de perte de salaire ou en tout cas, de retard de paiement. La crédibilité des États-Unis en tant qu’institution s’en trouve une nouvelle fois entamée. Généralement, le marché ignore ce genre d’obstruction temporaire. Mais cet arrêt du service tombe dans une période délicate, alors que la Fed envisage de revoir sa politique à la lumière du ralentissement du marché du travail. La question est de savoir comment la Fed gérera une “énième” couche d’incertitude politique, et ce, dans un contexte où son “indépendance” est attaquée de toutes parts.
Pour définir concrètement le “shutdown”: le cadre budgétaire et les moyens sont disponibles, mais les décisions qui affectent ces fonds à différents départements n’ont pas encore été votées. Le Congrès peut y remédier par une “résolution de continuité” provisoire. Pour ce faire, il faut une majorité 60/40 au Sénat, que les républicains n’ont pas. Et les démocrates n’y consentiront que moyennant une réduction des coupes dans les soins de santé. Faute d’accord temporaire, toute une série de dépenses non discrétionnaires (allocations sociales, sécurité, défense, mais aussi le remboursement des effets publics à l’échéance) se poursuivront (le plafond de la dette est suffisamment élevé); cependant, Trump menace de licencier définitivement certains fonctionnaires au lieu de les mettre au chômage temporaire.
Les marchés sont attentifs à deux éléments. D’une part, il y a le préjudice économique direct. Pour la fermeture du gouvernement en 2018/2019 (35 jours), l’organisme de surveillance budgétaire a estimé la perte de production à 11 milliards de dollars, dont 3 milliards n’ont jamais été récupérés. De tels dégâts “provoqués” suffiront-ils pour que la Fed continue/accélère ses abaissements de taux? Ou justement pas? Car d’autre part, un “effet secondaire” désagréable du shutdown est que les services statistiques, y compris le Bureau de la statistique du travail (BLS), ne publieront pas de données, y compris les payrolls importants attendus vendredi. Il n’y aura pas de données sur les prix (CPI), ni d’autres résultats, tant que la situation n’aura pas été résolue.
Powell et ses collègues navigueront donc vraiment à l’aveugle. De toute manière, il ne restait qu’un seul rapport payroll et une seule série de données CPI entre la décision de la Fed en septembre et fin octobre, ce qui n’aurait pas fait beaucoup de nouvelles informations. Mais sans données, la Fed procédera-t-elle à un “abaissement de sécurité” en plus pour ne pas risquer de freiner inutilement l’économie? Ou la banque centrale tombera-t-elle aussi en arrêt jusqu’en décembre? Nous avons une légère préférence pour la première option, mais nous attendons les commentaires de la Fed à ce sujet. Ce ne seront de toute façon pas de bonnes nouvelles. Si le taux d’intérêt réel continue à s’éroder, cela affaiblira en principe le dollar – mais celui-ci peut aussi en bénéficier, si l’incertitude entraîne une aversion générale au risque. Par le passé, il est arrivé que le billet vert reste dominant, alors même que les États-Unis étaient à la source de l’aversion au risque. Pour l’instant, la fourchette actuelle (EUR/USD 1,1574/1,1919) se maintient.
EUR/USD: légère correction du dollar, mais la fourchette de négociation se maintient