Une Banque d’Angleterre moins déterminée
La semaine dernière, la Banque d’Angleterre (BoE) a maintenu son rythme d'assouplissement trimestriel. Depuis le mois d’août de l’année dernière, elle a progressivement ramené son taux directeur de 5,25 % à 4 %. Nous partons toujours du principe que la banque procédera à une nouvelle baisse en novembre, mais nous observons tout de même pour la première fois de signes qu'elle pourrait abandonner son rythme trimestriel et opter pour une pause plus longue.
Cela fait déjà un certain temps que les avis sont divisés au sein de la BoE quant à la voie à suivre. La dernière décision de taux prise à l'unanimité date de décembre 2021. Depuis lors, il y a toujours eu au moins une voix dissonante. Et ce n'est pas uniquement le rythme des assouplissements qui est remis en cause, mais aussi la direction que doit prendre la politique. Jeudi dernier, deux tours de table ont même été pour la première fois nécessaires. Dans un premier temps, un membre a voté pour une réduction de 50 points de base (pb), quatre ont opté pour le maintien du rythme de 25 pb par trimestre et quatre autres ont plaidé en faveur d’un statu quo. Dans un second temps, Alan Taylor a revu sa proposition de 50 pb à 25 pb, ce qui a permis d'obtenir une courte majorité de 5 voix contre 4. Le marché pensait que la Banque d’Angleterre allait faire preuve de plus de détermination.
Les nouvelles prévisions d’inflation expliquent cette prudence accrue. La BoE s’attend à ce que l’inflation britannique atteigne un pic de 4 % en septembre, contre 3,7 % en mai. Outre ce pourcentage plus élevé, le timing joue également un rôle, vu que le chiffre de septembre est le dernier dont disposera la banque avant sa réunion de politique de novembre. À plus long terme (2 et 3 ans), les projections font état d'une inflation de 2 %, au lieu de 1,9 %. Un taux à peine plus élevé, mais qui trahit une nuance importante : la banque est moins convaincue d’un retour durable au-dessous de l’objectif. Les projections tablent sur une trajectoire de taux conditionnelle, qui devrait aboutir à 3,5 % au milieu de l’année prochaine. Dans le procès-verbal de la réunion, plusieurs membres du comité de politique monétaire (MPC) expriment surtout leurs inquiétudes quant à la hausse des prix de l'alimentation. Or, le consommateur britannique a tendance à adapter ses attentes (en matière d’inflation) à l’évolution des prix des denrées alimentaires.
Dans le communiqué de presse, le gouverneur, Andrew Bailey, et ses collègues plaident toujours en faveur d’une approche graduelle et prudente dans la normalisation de la politique. Pour la première fois, ils ajoutent aussi que la politique monétaire est devenue moins restrictive l’année dernière. En d’autres termes, la banque centrale s’approche des niveaux de taux neutres et se rend compte que sa marge de manœuvre restante se réduit. Les nouvelles prévisions estiment la marge pour un taux directeur réel neutre entre 0 % et 1 %, c’est-à-dire un taux directeur nominal compris entre 3 % et 4 %.
Le cours EUR/GBP se négociait aux alentours de 0,8750 avant la réunion de la BoE. La "hawkish cut" ("baisse de taux restrictive") a offert à la livre sterling un peu d'oxygène. Aujourd'hui, la paire EUR/GBP pointe même vers des premiers niveaux de support technique autour de 0,86, suite à la publication de solides chiffres de l’emploi pour le mois de juin. Pour l'instant, rien ne laisse toutefois présager une reprise plus large de la livre.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC