Powell n’a pas de boule de cristal

Aucun bouleversement à signaler lors de la première réunion de la banque centrale américaine (Fed) de l’ère Trump 2.0. La Fed continue de tabler sur un rythme d'assouplissement modéré, comme indiqué en décembre. Le taux directeur a été maintenu à 4,25 %-4,50 %. Après un démarrage sur les chapeaux de roue en septembre (50 points de base) et deux réductions de 25 points de base (pb) en novembre et décembre, la banque opte désormais pour une position attentiste. Il n'y a actuellement aucune raison d'assouplir encore sa politique à une cadence soutenue. La balance pencherait même plutôt dans l'autre sens.
Le texte du communiqué n'a pas été beaucoup modifié. Powell parle d’ajustements linguistiques. L’analyse économique a été raccourcie. Deux petites nuances méritent toutefois d'être soulignées. La Fed n’évoque plus une détente du marché du travail ou une légère hausse du taux de chômage. Non. Le marché de l'emploi demeure tout simplement robuste. Et idem pour l’inflation. La référence aux progrès en direction de l’objectif de 2 % a disparu. L’inflation reste élevée. Simplification textuelle ou non, le message est là. La Fed poursuit un double mandat : assurer le plein emploi et la stabilité des prix. La première condition est remplie, pas la seconde. Toutes choses étant égales par ailleurs, ce deuxième axe pèse donc à nouveau un peu plus dans la balance. La politique demeure restrictive, mais pour que les taux puissent continuer à être abaissés en direction du niveau neutre, il faudra une détérioration inattendue du marché du travail ou un nouveau ralentissement clair de l’inflation. Powell a officiellement déclaré qu'une ou deux bonnes surprises ailleurs ne suffiraient pas. Plus encore qu’en décembre, la Fed peut se permettre d'adopter une position attentiste. Ceux qui espéraient secrètement une baisse de taux en mars peuvent d’ores et déjà revoir leur stratégie. Autre petite remarque d'ordre technique : la Fed va continuer de réduire la taille de son bilan (resserrement quantitatif). Selon Powell, il y a encore suffisamment de liquidité sur le marché monétaire.
Lors de la conférence de presse, la première question posée a directement porté sur l’incidence du retour de Trump sur la politique de la Fed. Aucune réponse claire n'a été donnée. Les premières annonces restent fragmentaires et vagues. Tout comme le marché, la banque centrale ne dispose pas de suffisamment d’informations structurées pour se faire une idée précise de ce que réserve l'avenir. Tant que les données restent telles qu’elles sont, la Fed conservera sa position attentiste.
Trump n'a pas tardé à exprimer son mécontentement par rapport à des taux d’intérêt qui seraient, selon lui, trop élevés. Sur son réseau Truth Social, il a affirmé que la Fed s’occupait de trop de choses à côté de l’inflation (égalité, énergie verte, changement climatique). Il compte donc s’attaquer lui-même à l’inflation, notamment en augmentant la production d’énergie. Il va également assouplir la réglementation bancaire afin de faciliter l’octroi de crédit. Powell ne s’est pas senti visé.
La réaction des marchés est restée limitée. Les taux ont dans un premier temps connu un petit rebond d'environ 5 pb, avant de revenir rapidement à la case départ. Le marché table toujours sur deux assouplissements supplémentaires (25 pb) cette année,en juin et en décembre. Le dollar a joué au yoyo pendant une partie de la journée, mais a finalement clôturé sur un gain limité (EUR/USD 1,042). Les bourses ont clôturé légèrement en baisse (-0,47 % pour le S&P 500), mais une timide reprise a été observée ce matin à la suite de la publication des résultats de plusieurs grandes entreprises technologiques après la fermeture du marché hier. Le plancher au-dessous des taux américains demeure jusqu'à nouvel ordre bien protégé. Pour le moment, les incertitudes autour des droits de douane jouent plutôt au détriment des devises autres que le dollar US, et notamment l’euro.
Taux à 2 ans américain : marchés et Fed dans l'expectative.
