Trajectoire des taux de la Fed en question

L’économie américaine n’a pas raté son début d’année. La première semaine complète d'activité sur les marchés de 2025 été marquée par la publication de toute une série de chiffres importants. Après la hausse inattendue du nombre de postes vacants, la reprise de la confiance dans le secteur des services (ISM) à son troisième niveau le plus élevé en plus ou moins deux ans et le plus faible nombre de demandes d’allocations de chômage enregistré depuis février, la semaine s'est clôturée par la parution d'un rapport sur le marché de l’emploi solide pour décembre vendredi dernier. Le mois passé, les États-Unis ont créé 256 000 emplois supplémentaires, portant ainsi la moyenne annuelle pour 2024 à 186 000, un niveau solide comparable à celui des années d'avant la pandémie. Le calcul du taux de chômage s’effectue sur la base d’une autre enquête qui a déjà montré des résultats très différents dans le passé. Mais cela n'a pas été le cas pour décembre. Le taux de chômage s'est ainsi replié, contre toute attente, à 4,1 %. Le salaire horaire de l’américain moyen s’est stabilisé pour le troisième mois consécutif, à +/- 4 % en base annuelle. Le pic pré-Covid se situait à 3,6 %.
La semaine dernière, l'économie US a livré une énième preuve de sa robustesse. Cela incite à la réflexion. Après les baisses cumulées de 100 points de base réalisées l’année dernière, la banque centrale américaine (Fed) aura-t-elle encore besoin de procéder à de nouvelles réductions par rapport à la fourchette actuelle de 4,25-4,5 % ? En décembre, les gouverneurs de la Fed ont déjà fait passer le nombre d'interventions anticipées de quatre à deux. Mais même ce scénatio commence doucement à paraître trop optimiste. Le marché a fait volte-face : de trois baisses de taux attendues à la veille de la réunion de la Fed, il est rapidement passé à deux, puis à une seule. Et après un week-end de réflexion, le marché monétaire américain n’est même plus tout à fait sûr de lui. Il n’attend même pas les chiffres actualisés de l’inflation américaine de mercredi prochain. Ce repositionnement a pour conséquence une rupture des taux à court terme au-dessus des sommets de novembre et décembre. L'échéance à deux ans a atteint son niveau le plus élevé depuis juillet de l’année dernière. Le ton est ainsi donné avant la parution de l'indice des prix à la consommation (CPI) américains. En cas de chiffres plus élevés que prévu, nous ne parlerons plus de la possibilité de baisses de taux, mais bien d'éventuelles hausses. Sur le plan symbolique, cela pourrait avoir de l'importance, à moins d’une semaine de l'investiture de Trump. Le dollar ne s'en plaint pas. Le cours EUR/USD est tombé à un nouveau plus bas sur deux ans à l’approche de mercredi, 1,0201 étant le dernier seuil avant la parité. Le niveau de support commence à se fissurer.
Les taux sur les échéances plus longues évoluent aussi à la hausse. Le taux à 10 ans américain a dépassé son sommet de 2024 et est, d'un point de vue technique, en route vers 5 %. Le taux à 30 ans a déjà testé ce niveau fin de la semaine dernière. Vigueur de l'économie, primes de risque ou hausse des anticipations d'inflation, les arguments ne manquent pas. L'augmentation des attentes en matière d'inflation est entre autres apparue dans les chiffres de l'ISM parus la semaine dernière. Ceux-ci ont atteint leur niveau le plus élevé depuis février 2023. L’enquête mensuelle menée par l’Université du Michigan auprès des consommateurs a montré, fin de la semaine dernière, une nette hausse des perspectives d’inflation tant à court et qu'à long terme. Le taux de 3,3 % attendu pour l’année à venir et pour l'horizon de 5 à 10 ans est le plus élevé depuis respectivement un an et 2008. Et ce chiffre ne tient pas compte de l'incidence de la récente flambée du prix du pétrole.
Prévisions de taux de la Fed : avant la réunion de politique de décembre (bleu), entre Noël et Nouvel An (orange) et aujourd’hui (noir).
