Reprise du dollar? Le cœur n’y est pas

Après un premier semestre misérable, le dollar américain pourrait de prime abord faire meilleure mine en juillet. Sur une base pondérée des échanges commerciaux (DXY), le billet vert a enregistré un gain journalier sur 12 des 13 jours de marché. Le DXY laisse ainsi derrière lui ses cours les plus faibles depuis le premier trimestre 2022. Malheureusement pour la devise américaine, le bénéfice cumulé est faible: à peine 1,75%, alors qu’il a dégringolé de 12,5% de janvier à juin. Le cours EUR/USD a corrigé quelque peu ce mois-ci, tombant d’un sommet pluriannuel au-dessus de 1,18 à un creux de 1,16. La paire avait commencé l’année autour de 1,03. La bonne nouvelle, c’est que les premiers véritables niveaux de résistance de l’USD se situent au-delà, ce qui suggère que le dollar pourrait encore voyager un peu. Pour le cours EUR/USD, nous avançons la zone de 1,1446/31 (creux de mi-juin/reprise de 24% sur le rallye EUR/USD cette année). La mauvaise nouvelle, c’est que si le dollar ne parvient pas à briller dans des conditions de marché favorables, il y a un risque élevé de pénalité si les circonstances se dégradent.
Une faible volatilité et un sentiment favorable au risque (nouveaux cours records pour les bourses américaines) sont à la base de la reprise du dollar. Il n’en a pas toujours été ainsi. Il ne reste plus grand-chose du fameux “sourire du dollar”, la théorie comme quoi la devise américaine est primus inter pares dans les scénarios économiques extrêmes: récession (mondiale) et croissance américaine plus forte que le reste du monde. Dans les scénarios intermédiaires cléments, le dollar perdait un peu de son lustre au profit d’alternatives plus exotiques et moins liquides. Au début de l’année, il est déjà apparu clairement que la moitié gauche du sourire (peur de la récession) ne ramène plus les investisseurs vers les actifs américains. La politique de Trump fait grimper les primes de risque américaines et remet en question la crédibilité institutionnelle des États-Unis. Et vu la dynamique des dernières semaines, nous concluons que le milieu du sourire du dollar s’inverse aussi. Le billet vert profite de circonstances qui étaient jusqu’ici propices à des devises de rang inférieur: volatilité plus faible, écartement provisoire des scénarios du pire (tant pour la croissance que pour l’inflation) de la politique commerciale protectionniste américaine, sentiment du marché favorable.
Pour l’instant, le retour du dollar repose donc sur des bases fragiles. Il pourrait rapidement plonger en cas de mouvements brusques sur le marché des taux américains, tant à l’extrémité courte qu’à l’extrémité longue de la courbe. L’extrémité courte reste sujette aux corrections à la baisse si la Fed change son fusil d’épaule plus tard dans l’année. À l’instar du gouverneur Powell, la grande majorité des membres du FOMC veulent dresser le bilan en septembre. Le marché n’escompte pas encore un retour rapide vers des niveaux neutres (3%). Ces dernières semaines, nous avons déjà assez parlé de l’extrémité longue de la courbe des taux et du retour des primes de risque (expansionnisme budgétaire dans un contexte d’inflation structurellement plus élevée). Soulignons simplement qu’il en faudrait peu pour que le taux américain à 30 ans (5%) retrouve ses sommets annuels de 2023/2025 (5,15%/5,18%), donnant un nouveau souffle au mouvement “Sell America”.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
Dollar pondéré des échanges commerciaux (DXY): le cœur n’y est pas
