Le commerce, après les "payrolls" et la "big beautiflul bill"

Les "payrolls" américains ont été publiés un jour plus tôt que d’habitude hier, marquant ainsi la fin de la période des indicateurs conjoncturels aux États-Unis. L’absence provisoire d'impact des droits de douane sur l’inflation, l’affaiblissement des statistiques relatives à l’activité et le ton plus accommodant adopté par la Fed ont à nouveau poussé le marché des taux à anticiper des baisses de taux plus rapides depuis la mi-juin, avec septembre comme scénario le plus probable et des spéculations sur une intervention dès ce mois-ci. Ceux qui espéraient le 30 juillet ont dû déchanter.
Le rapport officiel sur l’emploi fait état de 147 000 nouveaux postes, quasiment en ligne avec la moyenne sur 3 mois (150 000) et au-dessus des attentes du marché (106 000), révisions haussières pour avril et mai incluses (+16 000 au total). Le taux de chômage est passé de 4,2 % à 4,1 %, au lieu de la hausse redoutée à 4,3 %. Ceci explique la vive réaction du marché des taux américain, qui a été pris à contre-pied. Les taux US ont grimpé de 10 points de base sur la partie courte de la courbe et de 6 points de base sur les très longues échéances. Cette hausse des taux d’intérêt a tiré le dollar de EUR/USD 1,18 vers EUR/USD 1,1720.
Quelques nuances s'imposent. Surtout concernant les chiffres. Environ la moitié des postes créés l'ont été au niveau des administrations locales. La création d’emplois dans le secteur privé (+74 000) est retombée à son niveau le plus bas depuis octobre de l’année dernière. Le recul du taux de chômage est également dû à de mauvaises raisons : les Américains ont été plus nombreux à abandonner leur recherche d’emploi et ont donc disparu des statistiques. Enfin, la pression salariale s'est contractée davantage que prévu, à 0,2 % en glissement mensuel et 3,7 % en glissement annuel (le deuxième niveau le plus bas depuis mai 2021). Le marché des taux ne s'est pas arrêté à ces détails. Il regardait d’un œil la Chambre des représentants américaine, qui a approuvé la Big Beautiful Bill de Trump juste avant la fermeture (anticipée) du marché. Le président a ainsi respecté la date butoir qu'il s'était lui-même fixée, à savoir signer le cadre budgétaire pluriannuel avant le jour de la fête nationale américaine. Cette loi entraînera une augmentation structurelle des déficits budgétaires et une hausse exponentielle du taux d’endettement. La trajectoire empruntée va maintenir une forte pression à la hausse sur la partie longue de la courbe des taux américaine et jouera au détriment du dollar. La devise américaine est à nouveau plus proche de EUR/USD 1,18 que de EUR/USD 1,17. Le scénario "buy-the-dip" reste d'actualité.
Maintenant que Trump a remporté une grande victoire sur le plan intérieur, il peut à nouveau se concentrer sur la politique commerciale internationale. La semaine prochaine, le régime de faveur (10 % de taux réciproques) prendra fin pour tous les pays, sauf la Chine (mi-août). Mis à part les accords trouvés avec le Royaume-Uni et le Vietnam, les résultats obtenus sont maigres pour le moment. Les traînards (comme le Japon, par exemple) recevront prochainement un courrier leur annonçant les droits de douane unilatéralement imposés par les États-Unis, à partir du 1er août. Comme à son habitude, Trump laisse encore une certaine marge de négociation. Nous craignons que la fin de la trêve commerciale n'aille de pair avec un accroissement de la volatilité et de l’aversion pour le risque. Contrairement au Liberation Day, il y a de la marge pour des performances meilleures/moins bonnes au sein des catégories d’actifs. Beaucoup dépendra de qui recevra une lettre et du pourcentage indiqué dans celle-ci (de 10 % à 70 %).
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
Taux à 2 ans américain : impact des "payrolls".
