Exit Rachel “Grieves”?

Du sang, de la sueur et des larmes. Le travail de la ministre britannique des Finances Rachel "Grieves" ("grieve" signifie avoir du chagrin en anglais, jeu de mot en référence aux larmes versées par Rachel Reeves hier au Parlement) est l’un des plus difficiles du monde. L’objectif : redresser des finances publiques en piteux état. Le moyen : une écrasante majorité du parti travailliste au parlement (411 sièges sur 650). L’obstacle : le Premier ministre, Keir Starmer.
Après à peine un an, le premier ministre britannique a déjà accumulé plus de surnoms que ses prédécesseurs sur l’ensemble d'un mandat. C’est rarement un signe positif. "Never Here Keir" - un jeu de mots sur ses absences fréquentes, tant physiques que mentales, au parlement. "Free Gear Keir" - surnom né de la frustration autour des dons parfois grotesques qu'il reçoit. Ou un autre, qui n'a pas vraiment besoin d'explications : Sir Flip Flop. Keir Starmer n’est jamais avare d'un revirement. Mais le dernier en date, outre un énième coup de canif dans sa crédibilité, a aussi un coût élevé. Celui-ci a eu lieu dans le cadre de sa proposition de loi de réforme de la sécurité sociale, qui devait permettre d’économiser 5 milliards de livres, mais qui a dû faire face à une opposition extrêmement forte en interne. Sentant la fragilité de leur leader, les membres du parti n'hésitent pas à le défier ouvertement. Starmer a finalement fait marche arrière et la proposition votée hier ne contient plus ou pratiquement plus rien des économies initialement prévues. Plus tôt cette année, le Premier ministre avait déjà annulé la proposition de Reeves de plafonner les subventions énergétiques pour les pensionnés, faisant ainsi partir en fumée les économies escomptées (1,5 milliard de livres par an). Et le mois dernier, "Sir Kid Starver" a promis d’examiner la limite actuelle sur l’avantage fiscal pour les enfants. De nouveau sous la pression de ses propres rangs. Coût potentiel : 3,5 milliards de livres.
En soi, les montants ne sont pas phénoménaux pour une économie pesant environ 2 500 milliards de livres. Mais ils compliquent la tâche de Rachel Reeves qui doit élaborer un bugdet en prévision de l'Autumn Budget d'octobre. Cette dernière devra donc jongler avec trop peu de recettes et trop de dépenses. En outre, un cadre budgétaire auto-imposé empêche le gouvernement de recourir à sa guise à l'option "facile" : l'endettement. Pour faire face aux imprévus, Reeves prévoyait une réserve d’à peine 10 milliards de livres. Celle-ci est totalement épuisée après les revirements de Starmer. Retour donc à la case départ pour Reeves. Trois options s'offrent maintenant à elle. Soit augmenter les revenus avec une nouvelle série de relèvements d’impôts – impopulaires. Soit réduire les dépenses avec le risque très réel de mutinerie. Soit … assouplir le cadre budgétaire. Reeves avait fait ce dernier choix lors du budget d’octobre 2024, mais a exclu de rééditer l'expérience depuis lors. Et à juste titre : une fois sur cette pente glissante, il est difficile de remonter. Et les marchés des taux sont à l'affût.
Si Reeves ne le fait pas, quelqu’un d’autre pourrait le faire ? Interrogé sur son soutien à l'actuelle chancelière de l'Échiquier lors du débat parlementaire hier, Starmer ne s'est pas montré très convaincant. Les larmes de Reeves peu de temps après sont entrées dans l’histoire comme les plus chères jamais versées à ce jour. Les spéculations autour de son remplacement ont fait grimper la partie longue de la courbe des taux britannique de 20 points de base. Le taux à 30 ans s'est subitement retrouvé à un souffle de son niveau le plus élevé depuis 1998. Cela montre une nouvelle fois à quel point le marché est sensible à des finances publiques intenables. Les États-Unis, où la Chambre vient de franchir un obstacle majeur dans la version finale du "Big Beautiful Bill" de Trump, sont prévenus.
Les spéculations autour d'un possible départ de Reeves font grimper le taux à 30 ans britannique de 20 points de base.
