Persévérer reste le mot d'ordre de la BCE

Le forum annuel de la Banque centrale européenne (BCE) à Sintra (Portugal), le pendant du symposium de Jackson Hole de la Réserve fédérale américaine (Fed), a démarré hier. Le débat entre les ténors monétaires (Lagarde (BCE), Bailey (Banque d'Angleterre, BoE), Ueda (Banque du Japon, BoJ), Powell (Fed) et Rhee (Banque de Corée) prévu tout à l'heure en constituera la pièce principale. Hier, Christine Lagarde a fait le point sur le cadre de politique général de la BCE.
Elle a commencé par quelques citations du philosophe Friedrich Nietzsche pour montrer à quel point le contexte dans lequel nous évaluons le passé et l’avenir peut changer rapidement. Lors de la dernière mise à jour en 2021, la BCE avait réfléchi à la meilleure façon d’atteindre un schéma d’inflation symétrique autour de l’objectif de 2 %. En se basant sur le passé (alors récent), l’accent avait surtout été mis sur les risques d’une inflation trop basse. La limite du zéro pour le taux nominal empêchait à l’époque d’assouplir suffisamment la politique. Mais après cette mise à jour, les banques centrales se sont rapidement retrouvées confrontées au problème inverse, avec des chocs de l’offre (réouverture après la pandémie, guerre en Ukraine, évolutions du commerce international…) qui ont rapidement fait grimper l’inflation. La BCE continue à s’attaquer de manière symétrique à l’inflation, qu'elle soit trop basse ou trop élevée, avec tous les instruments à sa disposition. Le nouveau contexte force néanmoins à envisager différemment les risques pesant sur l'objectif.
L’inflation est désormais beaucoup plus volatile qu’avant la pandémie et les récentes évolutions (géopolitiques) laissent supposer que cela devrait rester le cas pendant encore longtemps. Les entreprises adaptent également leurs prix plus rapidement. Les salaires réagissent à cela avec un certain décalage, mais ce décalage peut entraîner une hausse permanente de l’inflation (attentes). Compte tenu de l'incertitude actuelle, la BCE utilisera (devra utiliser) davantage des analyses de scénarios pour permettre aux agents économiques et aux marchés de comprendre les conséquences possibles, mais aussi la fonction de réaction de la BCE, dans diverses circonstances. En ce qui concerne cette fonction de réaction de la BCE, Lagarde a indiqué que la banque centrale devait d’abord agir avec force, puis avec persévérance, tant en cas d’inflation trop faible qu’en cas d’inflation trop élevée. Cette séquence (vigueur puis persévérance) peut empêcher que des relèvements de taux trop importants dans la première phase de la lutte contre l’inflation causent des dommages inutiles à l’économie. Cet effet est compensé par une période de "persévérance" un peu plus longue. Un décalage subsiste entre le cadre de politique général et le contexte actuel. Pourtant, Lagarde a elle-même fait un "lien" avec cette idée de persévérance, en estimant récemment que la politique de la BCE se trouvait à présent à un "bon endroit". Nous nous lançons dans une interprétation plutôt libre : avec un taux proche du niveau neutre et dans un environnement où les entreprises augmentent rapidement leurs prix en cas de choc de l’offre, un peu de "persévérance" constitue une option "logique".
Après ces considérations théoriques, passons aux chiffres de l’inflation de l’UEM pour le mois de juin qui viennent d’être publiés. L’inflation générale s'est établie à 0,3 % en glissement mensuel et à 2,0 % en glissement annuel (par rapport à 1,9 % en mai). L’inflation de base reste supérieure à l’objectif de 2 % de la BCE, à 2,3 % en glissement annuel. La hausse des prix des services s’est légèrement accélérée (de 3,2 % à 3,3 %). Ces chiffres vont également dans le sens d'une position attentiste. Le marché table encore sur une réduction de taux d’ici la fin de l’année. Sans oublier toutefois la réflexion philosophique de la présidente de la BCE, selon qui nous pourrions à nouveau regarder les faits de manière très différente d’ici là.
Swap à 2 ans dans l’UEM : persévérer/attendre.
