L’euro comme alternative au dollar

À l’ère Trump, rien n’est jamais certain, mais la journée d’hier a été une accalmie sur les marchés. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont profité d’un week-end prolongé. La présidente de la BCE, Lagarde, a estimé que c’était le moment idéal de lancer une campagne de promotion en faveur d’un rôle international plus important pour l’euro.
Le statut de devise de réserve nº1 ne change pas du jour au lendemain. Mais pour Lagarde, nous nous trouvons à un tournant historique. La crédibilité du dollar s’amenuise; à court terme, une érosion du système qui repose sur le billet vert emporte des risques pour l’économie européenne axée sur les exportations. Mais à plus long terme, c’est une opportunité unique qui se présente. Par le passé, lorsque le dollar a pu faire l’objet d’une crise de confiance (années 30, fin du système de Bretton Woods), l’or était généralement la seule réserve alternative disponible. À présent, si les bonnes actions sont entreprises, l’euro pourrait être/devenir une option valable. Pour réaliser cette vision, l’Europe doit s’atteler à trois chantiers fondamentaux.
Un. L’euro dispose déjà d’une base commerciale solide, car l’Europe présente le réseau d’accords commerciaux le plus étendu. À l’heure actuelle, 40% des flux commerciaux sont d’ores et déjà facturés en euros. Cependant, la monnaie unique ne représente que 20% des réserves internationales. Ces dernières années, le déclin de la part du dollar dans ces réserves mondiales a même été en partie compensé par l’or, qui se hisse à nouveau au niveau de l’euro. Ce qui manque à l’Europe? Un poids géopolitique. Pour faire véritablement office de référence mondiale, outre la sécurité commerciale, une devise doit offrir une sécurité politique et militaire. Jusqu’à présent, c’est ce qui a permis au dollar de peser 30% de plus que son poids commercial.
Deux. Une devise de réserve doit offrir un investissement attrayant et/ou sûr aux investisseurs. Il faut créer un cercle vertueux entre la croissance et des marchés des capitaux fonctionnels. L’Europe n’y est pas encore: sa productivité doit notamment augmenter. Le succès (la croissance) attire le succès. En outre, ce même marché des capitaux doit proposer suffisamment d’actifs sûrs auxquels les investisseurs peuvent avoir recours en cas d’incertitude. Cela permet aussi d’offrir à votre propre économie une protection importante contre la volatilité, puisque vous êtes vous-même la référence. Globalement, l’Europe est en meilleure position fiscale que les États-Unis, mais l’UE offre trop peu d’actifs sûrs. À cet égard, un grand pool d’obligations européennes, par exemple pour financer la reconstruction militaire, contribuent à faire de l’euro une référence internationale via différents canaux. De manière générale, les biens publics doivent faire l’objet d’un financement conjoint. La fragmentation (des différents États) est contreproductive.
Enfin, l’unité politique derrière la monnaie de réserve doit garantir un cadre légal et institutionnel fiable. La vague de ventes simultanées d’actions américaines, de bons du Trésor et du dollar après le Liberation Day montre que la confiance envers les États-Unis a volé en éclats. Pour la crédibilité à long terme, une politique prévisible et le respect de l’État de droit sont essentiels. Il faut aussi que tout le monde (au niveau de l’UE) soit sur la même longueur d’onde et s’exprime d’une seule voix. La “chouette de la BCE” en conclut: l’Europe a une opportunité incroyable de prendre en main son propre destin, mais elle doit se montrer à la hauteur. Ce ne sera pas un cadeau qui tombe du ciel. Cela se mérite.
EUR/USD: (quel est) le potentiel de l’euro comme monnaie de réserve?
