United States of AmericAA

Les États-Unis ont perdu leur dernière notation de crédit AAA. Vendredi soir après la clôture des marchés, l’agence de notation Moody’s a annoncé que les atouts institutionnels des États-Unis ne suffisaient plus à compenser le déraillement des finances publiques. Après S&P en 2011 et Fitch en 2023, la dernière des trois grandes agences de notation retire désormais aussi le label de qualité le plus élevé aux obligations d’État américaines.
Ceux qui ont suivi les niveaux des taux américains ces dernières années (10 ans: 4,5%, 30 ans: 5%) savaient déjà depuis un moment que pour le marché, les États-Unis ne sont plus un débiteur de premier ordre. Moody’s renvoie à la dégradation de l’endettement au cours de la dernière décennie. Pendant longtemps, la combinaison d’une faible inflation et de mesures de relance monétaire trop agressives a permis de maîtriser la problématique de la dette grâce à des taux artificiellement bas – et pas seulement aux États-Unis. Cette ère a pris fin depuis la pandémie de covid et la crise énergétique, et c’est désormais douloureusement évident. Le coût de refinancement de l’encours de la dette augmente de manière exponentielle (effet boule de neige des taux). D’environ 9% des revenus américains en 2021, il est passé à 18% l’année dernière. Selon les estimations, il s’élèvera à 30% du total des rentrées en 2035. Selon Moody’s, les déficits budgétaires totaux augmenteront de 6,4% du PIB l’année dernière à 9% en 2035. Dans le scénario de base de Moody’s, le taux d’endettement passera de 98% du PIB à 134% au cours des dix prochaines années.
La “Big Beautiful Bill” de Trump, qui a franchi hier une étape clé au sein du comité budgétaire de la Chambre des représentants, est en partie responsable de la trajectoire future de la dette. Les faucons budgétaires qui menaient une opposition interne jusqu’à présent ont lâché prise. Ils se sont efforcés d’accélérer l’entrée en vigueur des mesures d’économie sur les soins de santé afin de financer (en partie) la prolongation des réductions d’impôts mises en œuvre lors du mandat précédent de Trump. La semaine dernière, des calculs internes ont abouti à des scénarios catastrophe similaires à ceux de Moody’s. Dans le courant de cette semaine, il y aura en principe un vote qui enverra la loi omnibus au Sénat américain. Trump veut pouvoir signer le cadre budgétaire pluriannuel, qui va de pair avec une forte augmentation du plafond de la dette, le Jour de l’Indépendance (le 4 juillet).
Sur le marché des taux, le verdict de Moody’s a des répercussions mondiales. La dynamique décrite s’applique aux marchés occidentaux de manière générale. Les courbes des taux se raidissent. La hausse plus marquée à l’extrémité longue de la courbe est l’expression d’une prime de risque de crédit plus élevée. Le taux américain à 30 ans augmente de 8 points de base pour atteindre 5,02%, son niveau le plus élevé depuis novembre 2023. De son côté, le taux à 30 ans britannique copie le mouvement journalier et atteint 5,50%. Le taux japonais à 30 ans a de nouveau testé le cap des 3% (son niveau le plus élevé depuis 2000), tandis que le taux allemand à 30 ans grimpe de 6 points de base pour atteindre 3,10% (pic annuel: 3,25%). En outre, la vague de ventes sur le marché des obligations détériore le climat de confiance général. Les bourses européennes affichent des pertes entre 0,5% et 1%; les futures boursiers américains reculent de 1% à 2%. Le dollar est à nouveau victime du “Sell America” trade, de sorte que le cours EUR/USD renoue avec le niveau de support technique perdu de 1,1274/76.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
Le taux américain à 30 ans atteint son plus haut niveau depuis novembre 2023
