Les membres de la CNB rappellent le marché à l'ordre

Après des baisses de taux ininterrompues depuis décembre 2023 (taux directeur à 7 % à l"époque), la banque centrale tchèque (CNB) est dans un schéma "stop-and-go" depuis la fin de l’année dernière. À deux reprises, les réductions de 25 points de base décidées lors de réunions de politique monétaire où de nouvelles projections étaient disponibles (novembre et février, à 3,75 %) ont été suivies d'une pause (décembre et mars). Fin mars, le président de la CNB, Aleš Michl, avait de nouveau officiellement parlé d'une "pause" plutôt que d'un "terminus", ouvrant ainsi la porte à un dernier (?) abaissement de taux malgré l’accroissement des risques d’inflation.
Les marchés ont largement ouvert la porte à cette possibilité début avril pendant l’escalade de la guerre commerciale. Au risque de nous répéter (mais la répétition n'est-elle pas mère de toutes les sagesses ?), nous avions mis en garde contre ce réflexe systématique de miser sur le fait que les banques centrales afficheront toujours la fonction de réaction qu'elles ont eue entre grosso modo la crise financière de 2007-2008 et l'éclatement de la crise du Covid. Pendant ces 15 années, l'assouplissement de la politique monétaire a toujours été la réponse aux menaces sur la croissance. Avec comme excuse, un contexte d’inflation structurellement faible (moins de 2 %).
Les marchés monétaires tchèques ont considérablement abaissé le plancher attendu du taux directeur, de 3,5 % à 3 %. Ignorant ainsi par commodité les risques d'inflation pointés dans le communiqué de politique de la CNB et lors de la conférence de presse de Michl : la forte croissance des salaires (marché du travail tendu) et son influence sur la hausse des prix des services, mais également la reprise économique plus marquée grâce à la consommation, des prix alimentaires toujours plus élevés, une réinitialisation des prix liée aux droits de douane dans le secteur automobile, l'augmentation des dépenses de défense et son incidence sur les finances publiques, et aussi l'amélioration du potentiel de croissance, la progression du crédit dans l'immobilier et le revirement budgétaire opéré par l'Allemagne, qui a atténué les risques de baisse de la croissance et de l’inflation.
Les membres de la CNB ont tiré la sonnette d’alarme ces deux dernières semaines. Mais les marchés tchèques ont dans un premier temps fait abstraction. Jan Prochazka, de la CNB, n'a pas parlé de la fin du cycle, mais a plutôt évoqué une pause qui s'étendrait sur plus d'une réunion. Jan Frait, autre membre de la banque centrale, a pour sa part déclaré que 3,5 % était un terminus acceptable pour le taux directeur, soit légèrement au-dessus du niveau neutre, mais au second semestre. Est ensuite venu le tour de la vice-présidente, Eva Zamrazilova. Si la CNB abaisse malgré tout ses taux la semaine prochaine, cela pourrait être la dernière intervention de ce cycle. Le dernier mot est revenu au président Michl. La CNB fera preuve d’une extrême prudence en ce qui concerne d’éventuels abaissements supplémentaires. Tous les quatre s'opposent fermement à la trajectoire de taux actuellement anticipée. Les interventions de Michl et Zamrazilova poussent à nouveau la partie courte de la courbe à la hausse. Grâce au soutien des taux et au climat de risque plus favorable de la semaine dernière, la couronne tchèque se dirige à nouveau vers un niveau inférieur à EUR/CZK 25. Le plancher annuel actuel apporte un support technique autour de 24,85. Ensuite vient le creux de 24,54 de l'été dernier, mais le cours n'ira probablement pas jusque là. Il y a de fortes chances que l’euro et les marchés des taux européens se retrouvent dans la même situation inconfortable à la veille du 5 juin.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC
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