La RBNZ navigue à contre-courant
Depuis peu, les marchés semblent en proie à une certaine lassitude par rapport à l’inflation. Les investisseurs voient de bonnes raisons de tempérer les relèvements de taux. Au mépris des déclarations des banquiers centraux, ils ont revu à la baisse le plafond cyclique du taux directeur. Mais ce matin, la Reserve Bank of New Zealand (RBNZ) s’est montrée très claire sur ses intentions, avec ou sans la “permission” des marchés.
La RBNZ a relevé son taux directeur de 75 pb, le portant à 4,25%. Les relèvements cumulés depuis le début en octobre 2021 atteignent ainsi 4,0%. Ce pas de 75 pb n’a rien de surprenant, même si une minorité d’observateurs “espéraient” 50 pb. Le comité de politique de la RBNZ voit clairement les choses autrement: la possibilité d’un pas de 100 pb avait été débattue, avant d’être finalement rejetée. Mais la véritable surprise est venue du nouveau rapport de politique. Le président Orr et ses collègues veulent relever le taux directeur à 5,5% l’année prochaine. En août, l’on supposait encore qu’un pic aux alentours de 4% suffirait à ramener l’inflation à l’objectif de 1-3%. La RBNZ estime maintenant que le taux directeur dépassera les 5% au moins jusqu’à fin 2024.
La justification de ces intentions musclées est simple. À 2,2% en glissement trimestriel et 7,2% en glissement annuel, l’inflation reste trop élevée, et plus élevée que prévu. Malgré les relèvements de taux déjà opérés, la croissance s’est maintenue (à 1,7% en glissement trimestriel au T2) et devrait se poursuivre au second semestre. Malgré la hausse des taux d’intérêt, l’inflation élevée et la baisse des prix de l’immobilier, la consommation des ménages reste forte. Cette demande intérieure est notamment soutenue par la vigueur du marché du travail (taux de chômage de 3,3%, avec un taux de participation plus élevé), les mesures de soutien des pouvoirs publics, une reprise plus rapide que prévu du secteur touristique et de solides réserves d’épargne. Or justement, la modération de la demande est une condition importante pour reprendre le contrôle de l’inflation… La conclusion de la RBNZ est un rappel à la réalité: en raison de la politique anti-inflation stricte, elle s’attend à une croissance proche de zéro pour les années fiscales 2023/24 et 2024/25 (0,1% pour les deux). Le taux de chômage s’élèvera à 5,7%. Ensuite, l’activité retombera en dessous de la capacité maximale, ce qui posera les bases d’une croissance plus équilibrée et non inflationniste.
La RBNZ n’a pas la position dominante ou la fonction d’exemple de la Fed ou d’autres grandes banques centrales à travers le monde. Pourtant, son estimation rappelle aux investisseurs que le sentiment récent (tant vis-à-vis de l’inflation que de la fonction de réaction des banques centrales) part du principe d’un scénario favorable qui devra être examiné d’un œil critique l’année prochaine. Il est possible que le taux doive rester plus élevé et surtout, plus restrictif pendant plus longtemps que ce que les marchés anticipent actuellement.
Et la réaction du marché en Nouvelle-Zélande? Elle est partagée. Les taux à court terme (2 ans) ont grimpé à 25 pb. Les marchés monétaires acceptent que le taux directeur puisse évoluer en direction de 5,5% l’été prochain. Comme dans de nombreux autres pays, le marché s’attend à des baisses de taux relativement rapides (fin 2023). Le dollar kiwi a engrangé des gains très limités, surtout par rapport au dollar américain (NZD/USD 0,6180). Au niveau régional, la devise se porte nettement mieux que son homologue australienne depuis deux mois, une tendance qui se poursuit ce matin. Le cours NZD/AUD est passé de 0,87 en septembre à près de 0,93 aujourd’hui, une évolution qui n’est pas anodine pour cette combinaison. Le dollar kiwi s’apprécie aussi progressivement par rapport à l’euro (EUR/NZD 1,67).