Le prix du gaz explose
Oubliez Irma, Maria ou Katrina. La tempête qui s’abat actuellement sur le marché européen de l’énergie n’a pas d'équivalent. Les prix du gaz, de l’électricité et du pétrole se sont littéralement envolés, suite à un malheureux concours de circonstances, certaines temporaires et réversibles, d’autres pas.
Le nœud du problème se situe au niveau du mécanisme classique de l'offre et de la demande de gaz. La première est restée élevée ces derniers mois, notamment à cause des températures exceptionnellement basses au printemps, de la montée en puissance du télétravail et de la reprise de l'économie. En outre, l’hémisphère nord est actuellement aussi en plein processus de gestion des stocks à l’approche des mois d’hiver. Dans ce contexte, c’est un peu chacun pour soi.C’est pour cette raison que les livraisons russes ont considérablement diminué ces dernières semaines. Faute de pouvoir le dire à voix haute, nous l'écrivons : en réduisant ses livraisons, la Russie veut également mettre la pression sur l’Europe pour avancer dans le projet Nord Stream 2, un gazoduc (politiquement sensible) qui s'étendra jusqu’en Allemagne et qui pourra fournir chaque année 55 milliards de m3 de gaz à l’Europe (et beaucoup d'argent à la Russie). En outre, l’offre en provenance de Norvège connaît également des ratés en raison de travaux de maintenance imprévus depuis fin juillet. Ensemble, la Russie et la Norvège représentent près de 60 % (!) des importations de gaz européennes. Et puis, il y a aussi l'Amérique. L’Europe importe d'importantes quantités de GNL (gaz naturel liquéfié) des États-Unis. Un phénomène qui s'est encore renforcé ces dernières années avec la diversification de l’offre. Malheureusement, les vannes se sont provisoirement fermées à cause de la tempête tropicale Nicholas.
Heureusement, l’Europe dispose de réserves. Seulement, soit celles-ci sont extrêmement chères, soit elles laissent à désirer.Dans le premier cas, nous nous référons aux autres combustibles fossiles. Le charbon ou le pétrole en tant que source d’énergie coûte nettement plus cher que le gaz naturel, en raison de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de son projet vert à long terme, l'Europe veut, via des droits d’émission plus élevés et plus chers, mettre fin à l'utilisation de ces carburants. Les alternatives durables, comme l’énergie éolienne, doivent venir les remplacer. Mais encore faut-il que le vent souffle. Il fait en effet étonnamment calme au-dessus de la mer du Nord ces derniers temps.
Ce n'est pas le cas sur les marchés financiers. Le prix sur le marché du gaz européen pour une livraison le mois prochain ne cesse de battre de nouveaux records. L’avantage de coût relatif du gaz comme carburant fond comme neige au soleil. En dépit de sa structure de coûts plus élevée, le pétrole (mais aussi le charbon) semble donc à nouveau plus attrayant. D'où un baril de Brent qui s’échange à nouveau depuis peu au-dessus des 75 dollars.
Les autorités européennes le pressentent déjà : les factures d’énergie salées vont peser sur le revenu disponible et la confiance du consommateur. Une chose dont l'économie, en plein redressement, pourrait se passer. Certains pays comme la Belgique, la France, l’Espagne et l’Italie ont déjà réagi en plafonnant les prix et/ou en prolongeant les réductions de la facture énergétique. La situation actuelle promet également beaucoup de tracas pour les décideurs monétaires, vu que les entreprises vont sans aucun doute répercuter leurs coûts énergétiques sur le consommateur final. Bonjour inflation ! Mais comment réagit une banque centrale face à un choc des prix principalement lié à l’offre ? Pour avoir une idée, nous vous conseillons de lire notre article de mardi dernier.