Au pays des aveugles…
Le dollar a passé une bonne semaine. Hier, l’indice pondéré des échanges commerciaux DXY a atteint son niveau le plus élevé depuis début août. Le cours EUR/USD affiche un feu orange clignotant.La paire de devises a quitté son canal haussier et EUR/USD 1,0778 constitue le seuil technique de référence.
En meilleure forme, le dollar ? Peut-être. Au pays des aveugles, le borgne est roi. L'avantage pour ce dernier est que les mauvaises nouvelles sont bloquées par la suspension de la publication des données suite à la fermeture de l'administration ("shutdown"). Face à ce silence radio, non seulement le marché a du mal à se faire une opinion, mais la Fed est également forcée de naviguer à l'aveugle. Les gouverneurs n'ont actuellement aucune raison de s'exprimer au sujet du rythme des futurs assouplissements. Le positionnement actuel (deux baisses supplémentaires de 25 points de base anticipées pour cette année) crée un plancher technique (provisoire ?) sous les taux américains. Contrairement à l’Europe et à la France, au Japon ou au Royaume-Uni, où le travail budgétaire ne manque pas, le sujet de la viabilité des finances publiques est devenu moins préoccupant aux États-Unis depuis l’adoption de la "Big Beautiful Bill". Le blocage actuel au Congrès porte principalement sur la libération des fonds prévus, et moins sur le niveau des déficits et de l’endettement. Plusieurs adjudications d'emprunts souverains US, y compris sur l'échéance sensible de 30 ans, se sont d'ailleurs globalement bien déroulées.
Pas de nouvelle, bonne nouvelle. Surtout lorsque les nouvelles sont mauvaises chez vos adversaires. Le yen demeure sous pression après la nomination de Sanae Takaichi à la tête du parti LDP et donc probablement aussi au poste de futur Premier ministre du Japon. Ce dernier souhaite mener une politique budgétaire stimulante. Conséquence : la courbe des taux s'est raidie, avec un accroissement des primes de risque sur les longues échéances. Combiné à la réticence de la banque centrale (BoJ), cela rend les choses très compliquées pour la monnaie. Les décideurs politiques japonais voient déjà venir le coup et menacent d'intervenir. Quoi qu’il en soit, le yen n’a actuellement pas les moyens de rivaliser avec le dollar, pas même comme valeur refuge en cas de poussée de l'aversion pour le risque (par exemple en cas de légères corrections boursières comme celles d'hier).
Pendant ce temps, l'autre grand concurrent du billet vert souffre de l’incertitude budgétaire en France et ne se trouve pas non plus dans une position qui lui permettrait d'attirer des flux financiers à la recherche de calme et de sécurité. La rupture technique de cette semaine pourrait entraîner de nouvelles pertes de type "stop-loss". Ceux qui ont réduit leurs positions en dollars US au cours des derniers mois ont aujourd'hui peu de raisons d'accélérer ce processus. Une nouvelle correction du cours EUR/USD en direction du niveau de support de 1,1392 pourrait, par exemple, se produire en cas de persistance des incertitudes en France. Les fondamentaux négatifs qui pesaient sur le dollar plus tôt cette année n'ont pas disparu. Ce matin, une nouvelle inétressante nous est parvenue en ce qui concerne le "scénario cyclique taux/USD". Le bureau américain des statistiques BLS veut rappeler un certain nombre de ses collaborateurs afin de préparer les chiffres de l’inflation de septembre le plus rapidement possible. Officiellement, une nécessité pour pouvoir calculer dans les temps les dépenses de la sécurité sociale. Un chiffre modéré constituerait évidemment aussi un élément pertinent à prendre en compte pour la Fed lors de sa réunion du 29 octobre. Tout est à mettre au conditionnel, mais cela pourrait briser l'idée selon laquelle l'absence de nouvelle signifie, par définition, une bonne nouvelle pour le dollar.
EUR/USD : le dollar profite de la faiblesse de ses "concurrents".