La cause est entendue
Deux des trois augures sont tombés. En juin, l’oracle Jerome prophétisait que trois rapports américains sur l’inflation répondraient à deux questions cet été. La politique commerciale de Trump a-t-elle un effet inflationniste aux États-Unis? Et si oui, dans quelle mesure? La réponse à ces questions déterminera l’issue de la prochaine réunion de la Fed (septembre). Maintenir plus longtemps un taux directeur restrictif pour contrer l’inflation, ou resserrer la politique pour faire face aux risques de baisse de la croissance et de l’emploi? Depuis hier, le deuxième scénario est devenu définitivement plus probable.
Les taux d’inflation américains pour le mois de juillet ont été entièrement conformes aux attentes. Le niveau général des prix a augmenté de 0,2% sur une base mensuelle et s’est stabilisé à 2,7% en glissement annuel. Dans une fourchette plus serrée, l’inflation de base (hors prix de l’alimentation et de l’énergie) a augmenté de 0,3% en glissement mensuel, passant de 2,9% en glissement annuel à 3,1%. Le marché n’en a pas perdu le sommeil. Il s’intéressait surtout à l’inflation des marchandises (corrélée aux tarifs douaniers). Verdict: avec une hausse de 0,22% en glissement mensuel, l’augmentation de 0,55% enregistrée en juin (le plus haut niveau depuis début 2022) ne s’est pas poursuivie. Il n’y a pas eu de fortes hausses de prix dans des catégories de produits comme le mobilier (0,7% en glissement mensuel) ou les appareils électroménagers (0,1% en glissement mensuel). Vu le faible rapport sur le marché de l’emploi en juillet (fortes révisions à la baisse pour mai et juin), le marché mise encore plus sur un abaissement de taux (25 pb) en septembre. Le taux américain à 2 ans a perdu environ 4 points de base. La pente de la courbe des taux s’est raidie. Sur les durées plus longues, les taux ont augmenté: ceux qui aspirent à une politique monétaire plus souple, propice à la croissance, ont lieu de craindre une hausse des taux à long terme dans un contexte où l’inflation est toujours supérieure à 2%. Quant aux taux européens, ils ont suivi le mouvement de la courbe. Le taux allemand à 30 ans, par exemple, a clôturé à son niveau le plus élevé depuis 2011 (3,3%).
Sur le marché des changes, le dollar a replongé. Le cours EUR/USD a initialement grimpé de 1,16 à 1,1650, bien qu’il soit revenu au-dessus de 1,17 depuis. Le seuil suivant est le sommet annuel, EUR/USD 1,1829. D’instinct, nous dirions qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour que le scénario de septembre de l’année dernière, un abaissement de taux de 50 points de base, revienne au goût du jour. Si les chiffres économiques sont décevants demain (inflation des prix à la production, demandes d’allocations de chômage hebdomadaires) ou vendredi (ventes au détail, enquête auprès des consommateurs de l’université du Michigan), cela pourra suffire à en convaincre le marché.
Outre le taux d’inflation et les attentes associées concernant la politique de la Fed, le président Trump a encore érodé la crédibilité du billet vert. Directement d’une part, en menaçant d’intenter des poursuites contre le président Powell en raison du dépassement du budget de la rénovation du siège de la Fed (la piste “légale” vers un licenciement). Indirectement d’autre part, en nommant un fantoche à la tête du Bureau de la statistique du travail, qui a proposé de suspendre la publication mensuelle des principaux rapports sur le payroll jusqu’à ce que la collecte et le traitement des données puissent être plus précis.