Le gouvernement italien est-il sur le point de tomber?
L'Italie a plutôt mauvaise réputation en termes de stabilité politique. Les dernières élections datent de mars 2018. La Ligue du Nord de Matteo Salvini avait à l'époque obtenu une majorité au Sénat. Le Mouvement Cinq Étoiles (M5S) de Luigi Di Maio avait pour sa part obtenu le plus de sièges au Parlement. Le Parti démocrate (PD) de Paolo Gentiloni s'était quant à lui classé troisième. Après des négociations laborieuses en vue de la formation d'un gouvernement, Matteo Salvini et Luigi Di Maio avaient fini par unir leurs forces, en juin 2018, pour former une coalition peu conventionnelle sous la houlette d'un premier ministre "neutre" en la personne de Giuseppe Conte. Cet accord (voué à l'échec?) aura finalement tenu le coup un peu plus d'un an. Matteo Salvini s'est retiré de la coalition dans l'espoir de forcer de nouvelles élections. Luigi Di Maio et Paolo Gentiloni, cependant, ont décidé d'oublier un instant les différends opposant leurs partis pour mettre Salvini hors jeu. Ce gouvernement Conte II est cependant loin d'être une coalition évidente, lui aussi. Et son implosion pourrait bien être pour après ce week-end…
De nouvelles élections régionales auront en effet lieu dimanche en Italie, notamment en Émilie-Romagne. La région est gouvernée depuis des décennies par le centre-gauche. Or, les derniers sondages suggèrent une lutte serrée avec le centre-droite, dont fait notamment partie la Ligue du Nord. Le fait est que le parti de Matteo Salvini se positionne plutôt avantageusement dans les sondages, ces derniers mois. Selon les estimations, la Ligue du Nord rallierait à sa cause plus de 30% des voix. Avec les partis se trouvant du même côté du spectre politique (Forza Italia, Fratelli d’Italia), il pourrait même lui être possible de former une majorité. Luigi Di Maio, lui, doit se contenter des faveurs de 15% de l'électorat… Le M5S se débat pour sa part avec un problème d'image et une dissidence interne profonde. Plus de 20 membres ont déjà été forcés à quitter le parti. Certains ont même rejoint la Ligue du Nord. Cette situation place l'actuel gouvernement dans une position particulièrement délicate, dès lors qu'il ne détient plus que de justesse une majorité. En sa qualité de membre de ce cabinet divisé, le PD a lui aussi le vent contre. Avec un score de 18-19% dans les sondages, sa situation n'a rien d'enviable. L'Émilie-Romagne a en tant que région une grande valeur symbolique et historique. La perte de ce "bastion de gauche" pourrait déclencher une vague de protestations au sein de la base du PD et du M5S, une base qui est d'ailleurs déjà en désaccord avec la direction du parti. La position du gouvernement Conte II en deviendrait particulièrement bancale. Au lieu de risquer une descente aux enfers, le M5S et le PD pourraient théoriquement prendre les devants. Luigi Di Maio a failli joindre le geste à la parole hier soir et aurait été sur le point de démissionner en tant que président du parti.
Pour l'instant, la réaction du marché obligataire italien reste modérée et les investisseurs s'abstiennent de trop anticiper sur les événements. Le taux italien à 10 ans était ce matin en hausse d'environ huit points de base à l'ouverture (1,45%) mais s'est déjà en partie ravisé depuis lors. La prime de risque de crédit par rapport aux emprunts d'État allemands, perçus comme sûrs, augmente pour sa part de 5 points de base. Selon les normes italiennes, il s'agit là d'une hausse plutôt marginale. De plus, l'écart reste relativement réduit dans une perspective historique (166 points de base). Voilà qui en dit probablement plus long sur le sentiment général que sur les fondamentaux économiques et politiques.
Cela dit, aussi longtemps que ce risque d'élections anticipées prévaut, les obligations italiennes pourraient à notre avis connaître des heures difficiles. Un éventuel nouveau gouvernement de centre-droite dirigé par Matteo Salvini risquerait de rappeler des souvenirs. Dans le passé, le président de la Ligue du Nord n'a en effet pas toujours fait preuve du plus grand respect pour les règles européennes en matière d'immigration et de fiscalité. Et jusqu'à nouvel ordre, il n'a pas fondamentalement changé sur ce point. Une nouvelle confrontation avec la Commission européenne ne serait donc probablement qu'une question de temps dans un tel scénario.