Le taux américain à 30 ans vise les 5%

Le taux américain à trente ans se rapproche à nouveau du cap psychologique de 5%. “À nouveau”, car il s’agit du troisième assaut en 2025. Pas toujours pour les mêmes raisons, d’ailleurs… Les taux à long terme comme le taux à 30 ans reposent essentiellement sur deux composants: les anticipations inflationnistes et les taux d’intérêt réels. Ces derniers mois, les premières sont restées relativement stables, entre 2 et 2,5%. Le mérite en revient à la Fed, qui veille grâce à sa politique monétaire stricte à ce que les anticipations inflationnistes ne dérapent pas. Par conséquent, l’évolution des taux d’intérêt trouve principalement sa source dans la composante réelle, qui reprend tout ce qui a trait à la croissance économique et à la productivité, à la valeur temporelle de l’argent (liée aux attentes en matière de politique monétaire) et aux primes de risque (un différentiel corrélé à toutes sortes d’incertitudes).
La première fois que le taux à trente ans s’est rapproché du niveau de 5% cette année, c’était vers la mi-janvier, à la suite de la réélection du président Trump. Les perspectives de dérégulation à grande échelle, de réductions d’impôts non ou partiellement financées et d’aggravation des déficits budgétaires ont littéralement touché à tout ce qui a trait aux intérêts réels. Le deuxième test du seuil de 5% a eu lieu dans les jours qui ont suivi le Liberation Day (le 2 avril). L’escalade de la guerre tarifaire a été la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà rempli d’autres politiques… peu orthodoxes. La hausse des taux qui a suivi, jusqu’à 70 points de base en trois (!) jours, a été l’expression pure et simple de la prime de risque. Selon nous, le statut des États-Unis en tant qu’institution macroéconomique a été durablement endommagé. Le calme relatif n’est revenu que lorsque Trump, sous la pression du marché des taux, a décidé de ramener les droits de douane au tarif universel de 10% pendant 90 jours: “universel”, sauf pour la Chine.
Ce qui nous amène à l’envolée actuelle du taux. Elle fait suite aux négociations commerciales particulièrement fructueuses de ce week-end entre les États-Unis et la Chine. Ces dernières années, si les prévisions de croissance américaines ont été revues à la baisse, c’est aussi le cas des prévisions de croissance européennes et chinoises. Maintenant qu’il y a un dégel entre les deux principales puissances économiques, les scénarios du pire peuvent être écartés – en tout cas pour trois mois, mais le sursis pourra être prolongé. En d’autres termes, le mouvement du marché a un parfum reflationniste. L’histoire n’est pas terminée. L’administration Trump a peut-être bien voulu émousser les arêtes tranchantes de la politique commerciale, réduisant pour l’instant l’importance du thème. Mais un autre sujet connu va prendre sa place: le budget américain. Les détails de “THE ONE, BIG, BEAUTIFUL BILL”, all caps, no cap, pour l’appeler par son nom officiel selon la commission compétente, ont été communiqués lundi. Sur les 4 000 milliards de dollars de réductions de charges au cours de la prochaine décennie, 1 500 milliards seront compensés par des baisses des dépenses. Comme la dette américaine atteindra bientôt le plafond fixé (d’ici l’été), la proposition de loi prévoit une augmentation à concurrence de 4 000 milliards de dollars. Cela sent la prime de risque de crédit… Cette exubérance fiscale prend certains républicains à rebrousse-poil. Mais ne sous-estimons pas la force de persuasion de la Maison-Blanche. L’objectif est ainsi de faire passer la proposition de loi d’ici le Memorial Day (le 26 mai) à la Chambre, où les républicains ont tout juste la majorité. Après le feu vert du Sénat, la version finale devra être prête à être signée à l’Oval Office le 4 juillet, le jour de la fête nationale.
Taux américain à 30 ans: cap sur les 5%. La troisième tentative sera la bonne?
