Rétrospective 2023: le marché des changes
Cette semaine et la semaine prochaine, les positions (FX) pourront encore fortement varier. Presque toutes les grandes banques centrales, dont la Fed (mercredi), la BCE et la Banque d’Angleterre (jeudi), la BoJ (mardi prochain) et une série de ‘petites’ banques centrales nationales reviendront une dernière fois sur les progrès accomplis dans leur campagne de lutte contre l’inflation cette année-ci. Mais dans les jours à venir, nous allons aussi revenir sur 2023. Nous commençons cette rétrospective par le marché des changes.
Cette année, on ne peut pas parler d’orientation univoque sur le marché des changes. Le cours EUR/USD en est une bonne illustration: à 1,0765 (vendredi en fin de journée), la paire principale se négocie presque exactement au même niveau qu’à la fin de l’année dernière (1% de différence: 1,0705). Vu de l’évolution de la politique monétaire, cela n’a rien d’étonnant. La plupart des banques centrales ont adopté une approche plutôt similaire, s’efforçant de dompter l’inflation par une politique plus restrictive. En 2022, les interventions de la Fed et l’incertitude géopolitique (en Ukraine) ont (parfois) soutenu le billet vert. Cette année-ci, le rapport monétaire entre les États-Unis et d’autres banques centrales (y compris la BCE) était beaucoup plus équilibré. Les marchés ont tâtonné à la recherche du pic du cycle aux États-Unis, en Europe et dans de nombreux autres pays. Fin octobre, le mantra des ‘taux plus élevés pendant plus longtemps’ a fait atteindre un record annuel au dollar (DXY 107,35, EUR/USD 1,0448). Le marché s’est mis à tabler sur des abaissements de taux l’année prochaine, surtout après la réunion de la Fed du mois de novembre. Cette attitude a pesé sur le dollar dans un premier temps, même si le marché des taux européen est également parvenu à la conclusion que la conjoncture obligerait la BCE à lever ‘rapidement’ le pied du frein monétaire. Comme nous le disions: pas d’orientation univoque, mais des tendances fluctuantes, susceptibles de changer en un clin d’œil.
Au-delà de l’eurodollar, plusieurs devises sud-américaines comme le peso mexicain (+12% par rapport à l’USD) et le réal brésilien (+7,0%) caracolent en tête de liste pour la deuxième année consécutive, grâce à l’approche persévérante de leurs banques centrales. Le peso colombien rattrape sa faiblesse de l’an dernier (+21% par rapport à l’USD). En bas du classement, nous retrouvons à nouveau le peso argentin (-51%) et la lire turque (-35,5%), qui demeurent confrontés à des taux réels profondément négatifs en raison d’une inflation galopante. De même, la reprise récente n’a pas empêché le yen japonais de se retrouver en queue de peloton, en raison de la politique des taux d’intérêt obstinément accommodante (pour l’instant?) de la BoJ.
Quant aux devises plus petites et moins liquides, comme la couronne suédoise, la couronne norvégienne ou le dollar australien, elles ont initialement éprouvé beaucoup de difficultés. Généralement, le resserrement mondial des conditions monétaires joue en défaveur des petites devises plus cycliques. C’est d’autant plus vrai lorsque, outre la lutte contre l’inflation, les banques centrales concernées accordent implicitement une grande importance à la croissance dans leur processus décisionnel (Riksbank, Reserve Bank of Australia…). Or avec l’assouplissement récent des taux à l’échelle mondiale, la plupart des devises qui correspondent à ce profil (SEK, AUD, NZD) ont pu compenser une grande partie de leurs pertes. La couronne norvégienne fait exception à la règle (-10%). La livre sterling a également su se positionner dans la bonne moyenne, même si ‘the King’s Money’ est parti d’une base plutôt faible (EUR/GBP 0,885) en début d’année.
En Europe centrale, la hiérarchie des devises a changé par rapport à l’année dernière. À l’époque, la couronne tchèque profitait de la crédibilité de sa banque centrale (la CNB) dans la lutte contre l’inflation. Mais cette année, la CZK ne s’est plus démarquée (stabilité vis-à-vis de l’euro), bien que la CNB n’ait pas encore abaissé son taux directeur. De son côté, la banque nationale hongroise (MNB) a tiré les leçons du dérapage monétaire de l’an dernier. Le taux d’urgence a pu être réduit, mais c’est ‘l’engagement’ de la MNB à maintenir un taux réel positif qui a permis au forint de faire son retour (+5,0% vis-à-vis de l’euro). Enfin, le zloty aussi s’est rattrapé (+8,0% vis-à-vis de l’euro), bien que ce soit dû à la victoire électorale de l’opposition pro-européenne plutôt qu’à la fermeté de la politique anti-inflation de la banque centrale polonaise.