Message désagréable de la Fed
Au-dessus de 5 % jusque fin 2024. Voici le bref résumé de la réunion qu'a tenue la Fed hier soir. Ou la traduction concrète de ce qui signifie « plus haut pendant plus longtemps ». Malgré le statu quo (5,25-5,50 %), la banque centrale américaine a, pour la énième fois, ramené le marché (des taux) à la réalité des faits. Vous aviez été avertis.
La déclaration de politique et la conférence de presse du président, Jerome Powell, n'a quasiment rien apporté de nouveau. À quelques mots près, le communiqué de presse est une copie exacte de celui publié en juillet. Pendant la séance de questions-réponses avec la presse, le patron de la banque centrale a adopté une attitude réservée. La Fed attend de voir l'impact réel des relèvements de taux déjà effectués et évalue les chiffres ad hoc. Pas une démonstration de force, mais une attitude acceptable après la blitzkrieg de ces 18 derniers mois.
Le véritable message se cache dans les nouvelles prévisions, où se profile le scénario d’un atterrissage en douceur. La Fed a relevé ses prévisions de croissance pour cette année et l’année prochaine de respectivement 1 % et 1,1 % à 2,1 % et 1,5 %. Le taux de chômage augmentera quant à lui moins rapidement : 3,8 % cette année et 4,1 % fin 2024, contre des taux de 4,1 % et 4,5 % prévus en juin. Pendant ce temps, le processus de désinflation se déroule comme prévu et l’inflation ne retombera à son objectif de 2 % qu'en 2026. Environ deux tiers des membres de la Fed voient des risques haussiers.
La majorité des membres de la banque centrale continue de plaider pour un dernier relèvement des taux lors de l’une des deux réunions restantes de cette année, en raison d’une croissance plus forte, d’un marché du travail plus robuste et des risques de hausse de l'inflation. D'ici fin 2024, la Fed estime que le taux directeur n'aura diminué que de 50 points de base par rapport à ce pic attendu de 5,5 %-5,75 %. Il y a trois mois, elle tablait encore sur 100 pb. Nous vous donnons aussi les prévisions médianes pour 2025 (3,75-4 %) et 2026 (2,75-3 %) pour la forme, mais nous y attachons moins d'importance, étant donné l’énorme dispersion de ces projections (entre 2,75 % et 5,75 % pour 2025 ; maximum 3 gouverneurs partageant la même vision). L’estimation du taux directeur neutre reste pour l’instant inchangée à 2,5 %, mais Powell a indiqué lors de la conférence de presse qu’il pourrait être plus élevé. À titre de comparaison, lors de l’introduction des projections de taux individuelles en 2012, la Fed a commencé avec un taux d’équilibre attendu de 4,25 %.
Avant la réunion de la Fed, la courbe des taux américaine se heurtait à ses sommets cycliques. Ils ont ensuite été franchis les uns après les autres. Les taux ont gagné jusqu'à 8,5 points de base sur partie courte (2 ans : 5,17 %). La courbe des taux américaine est inversée depuis plus d’un an et cela ne changera pas dans les mois à venir. Les taux du marché monétaire américains demeurent un peu plus prudents que la trajectoire prévue par la Fed (pic de taux atteint ; 4,75 % fin 2024). Le dollar a bénéficié du soutien des taux. Le cours EUR/USD est retombé de 1,0730 à un niveau de support de 1,0635. Une rupture sous ce seuil n'est qu'une question de temps. Les bourses ont eu peu de la hausse des taux (réels) et ont perdu jusqu’à 1,5 %. Ce matin, les taux européens suivent le mouvement à la hausse. La Fed comme guide pour la BCE...
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC