La continuité avec de nouveaux accents en Allemagne
Les négociations entre les sociaux-démocrates (SPD), les libéraux (FDP) et les verts en vue de former une coalition en Allemagne se sont mieux déroulées que prévu. Si les trois parties approuvent l’accord de gouvernement, le Parlement élira Olaf Scholz (SPD) au poste de chancelier la semaine prochaine. Le SPD a surtout obtenu l'adoption d'un salaire horaire minimum de 12 euros et la garantie d’une stabilisation du financement des pensions. Les verts peuvent quant à eux se targuer d'avoir obtenu de nouvelles mesures environnementales et la direction du nouveau superministère réunissant l'économie et le climat. Enfin, l’un des plus grands trophées des libéraux réside dans la garantie qu’il n'y aura pas d’augmentation d’impôts et que l'on ne touchera pas au mécanisme constitutionnel du frein à la dette. Les trois partis se sont en outre accordés sur le fait que l’Allemagne devra, dans les années à venir, rattraper son retard en matière de numérisation. La manière avec laquelle tous ces nouveaux investissements vont être financés sans déficits n'a pas encore été précisée et cela risque de provoquer pas mal de discussions.
Comme la coalition regroupe trois partenaires, Scholz ne bénéficiera pas de la position de pouvoir dont dispose traditionnellement un chancelier allemand. Le (co-)président vert, Robert Habeck, qui est également devenu le nouveau vice-chancelier, et le président libéral, Christian Lindner, auront aussi beaucoup d'influence. Les deux se sont déjà battus en vue d'obtenir le poste influent de ministre des Finances. Ce poste est finalement revenu à Lindner. Habeck a quant à lui été nommé ministre de l’Économie et du Climat.
Le choix de Lindner signifie le retour d'une politique budgétaire prudente à la Schäuble. Une déception pour ceux qui avaient espéré une politique budgétaire structurellement plus stimulante, financée si nécessaire par des déficits. Et cela ne fera probablement pas non plus avancer le débat sur une véritable politique budgétaire au niveau européen. Sous la pression du FDP, l’accord de gouvernement ne contient en effet aucun passage autorisant une émission de dette européenne commune en plus du programme NGEU déjà en cours. L’impact potentiel d’une telle position conservatrice sur l’économie internationale est illustré par les économistes américains Stiglitz et Tooze dans une tribune très critique publiée dans le Zeit, dans laquelle ils plaident en faveur de l'écologiste Robert Habeck au poste de ministre des Finances.
Qui succédera à Weidmann ?
Le nouveau gouvernement doit également désigner le successeur de Weidmann à la tête de la Bundesbank. Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, semble être une candidate tout indiquée. En tant que secrétaire d’État aux Finances, Jorg Kukies a l’avantage d’être un proche de Scholz Joachim Nagel, ancien membre de la BuBa et cadre supérieur à la Banque des règlements internationaux (BRI), fait figure de sérieux outsider. La vice-présidente de la Bundesbank Claudia Buch (pas assez présente dans les médias), le président de l'institut allemand pour la recherche économique DIW Marcel Fratscher (économiquement trop à gauche pour le FDP) et l’universitaire Joachim Wieland (trop conservateur sur le plan monétaire pour le SPD et les Verts) semblent en revanche moins bien placés. Dans tous les cas de figure, le nouveau président ou la nouvelle présidente adoptera probablement des positions moins "old school" que Weidmann. L’impact sur la politique actuelle de la BCE restera quoi qu’il en soit limité.
Dieter Guffens, Senior Economist KBC Group