La BCE poursuit sur sa lancée
Hier, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a dû se livrer à un délicat exercice d’équilibriste devant des spectateurs du monde entier. Elle a en effet dû choisir entre la peste et le choléra, à savoir soit procéder au relèvement de taux de 50 points de base déjà anticipé depuis longtemps, soit réduire le rythme de normalisation de moitié. Dans le premier cas, elle risquait de provoquer la panique sur le marché. Dans le second, elle risquait de perdre la face... et de provoquer la panique sur le marché.
Au final, le choix s'est porté sur un nouveau resserrement de 50 pb (à 3 %), sans regain de volatilité à la clé. Rendons à Lagarde ce qui est à Lagarde : tout le crédit revient à la Française. Telle une artiste de cirque accomplie, la présidente de la banque centrale est parvenue à garder l'équilibre sur une corde raide, en dissociant stabilité des prix et stabilité financière. La lutte contre l’inflation reste la priorité de la BCE. "L'inflation devrait rester trop forte pendant une trop longue période." C'est avec ces termes sans équivoque que la BCE a choisi de commencer sa déclaration de politique. Cela ne signifie toutefois pas que la solidité du système financier n'a aucune importance. Mais la BCE dispose d’autres instruments que le taux directeur pour y contribuer. Et, si nécessaire, elle n'hésitera pas à les utiliser. Grâce à cette détermination conditionnelle, la banque a pu parer toutes les questions du public.
L’inflation requiert une approche directe. Le recul des prix de l’énergie a incité la BCE à revoir légèrement à la baisse ses prévisions pour l’ensemble de l’horizon 2023-2025 : de 6,3 %, 3,4 % et 2,3 % à 5,3 %, 2,9 % et 2,1 %. Pour cette année, elle table sur une inflation sous-jacente de 4,6 %, soit plus qu'en décembre. Ce taux devrait ensuite retomber à 2,5 % (-0,3 pp) et 2,2 % (-0,2 pp) au cours des deux prochaines années. En d’autres termes, la BCE prévoit une inflation toujours supérieure à l’objectif de 2 % sur son horizon de politique. Elle a donc encore du pain sur la planche. Lagarde a également laissé échapper cela, pour autant que tout évolue plus ou moins selon le scénario de base. Mais pour des raisons compréhensibles, la BCE n'a pas donné d’indications très concrètes par rapport à l'évolution de sa politique. Cela dépendra également des développements économiques, mais aussi financiers. Si le calme revient, nous misons sur un nouveau resserrement de 50 pb.
Le calme et l’assurance dont la BCE et sa présidente ont fait preuve ont fait du bien au marché. Les bourses européennes se sont redressées d’environ 2 %. L’euro a grimpé par rapport au dollar, au-delà de 1,06. Et les flux massifs de capitaux en direction des valeurs refuges, comme les obligations d’État allemandes, se sont inversés. En Allemagne, les taux d’intérêt ont grimpé de plus de 20 points de base sur la partie courte de la courbe. Le marché des taux européen table actuellement sur un nouveau relèvement de 25 pb en mai. Il s’agit selon nous d’une forte sous-estimation, mais nous comprenons que, face aux incertitudes actuelles, les investisseurs ne veulent pas aller trop vite en besogne. Par rapport aux niveaux actuels, cela libère un beau potentiel de hausse des taux qui est exploité progressivement.
Le compte à rebours avant la réunion de politique de la Fed de mercredi prochain a commencé sur le marché. Cela n'arrive pas souvent, mais la Fed pourra cette fois-ci tirer des enseignements de la BCE. Le marché table sur un relèvement de 25 points de base. Reste à savoir combien de resserrements supplémentaires seront intégrés dans les nouvelles prévisions.