Le Parlement prend le contrôle du Brexit
Theresa May a perdu la main sur le Brexit. Du moins temporairement. Le Parlement a déjà deux fois rejeté à une large majorité l'accord sur le Brexit tant décrié de May. On sait donc parfaitement bien ce que les députés ne veulent pas. Mais la Première ministre a déjà à plusieurs reprises déclaré que les parlementaires britanniques devaient maintenant clairement expliqué ce qu'ils voulaient. Hier, la Chambre des Communes a donc franchi un pas important en ce sens.
Hier, Theresa May a démarré la séance en expliquant que l'accord actuel sur le Brexit ne bénéficiait pas d'un soutien suffisant. Cela s'appelle enfoncer une porte ouverte. Elle a ensuite démenti les rumeurs d'un possible troisième vote parlementaire (éventuellement aujourd'hui). Au cours de ces dernières années, la Première ministre a appris à éviter et, surtout, encaisser les coups. Mais même une boxeuse aguerrie comme elle n'est jamais à l'abri de la défaite de trop.
La décision de May a été accueillie avec des ricanements, mais le sérieux est vite revenu lorsque la proposition de Letwin a été mise sur la table. L'ancien Tory voulait que le Parlement prenne un jour le contrôle sur l'agenda législatif. L'occasion pour les parlementaires de diriger enfin la manœuvre puisque c'est à eux que revient alors la responsabilité d'organiser les débats, un privilège qui revient en principe au gouvernement. La proposition de Letwin, qui contient toute une série de votes indicatifs sur un large éventail d'alternatives possibles, a été approuvée à une courte majorité (329-302).
Allons-nous enfin savoir ce que le Parlement veut vraiment? Nous en doutons. Indépendamment du précédent que l'approbation de cette proposition crée, cette nouvelle péripétie ne fait qu'intensifier le "fog" pourtant épais qui entoure déjà le Brexit. Les diverses options sur lesquelles le Parlement se prononcera (normalement) mercredi sont en effet très variées. Outre les deux scénarios extrêmes (une sortie sans accord ou pas de sortie du tout), de nombreuses autres pistes sont également citées. D'un Brexit relativement dur avec un accord de libre-échange à un départ beaucoup plus doux de l'UE, en passant par l'accord actuel de May. L'accord actuel pourrait, par exemple, être complété par un accès au marché unique européen. Une nouveau référendum fait également partie des possibilités. Beaucoup dépendra de la manière avec laquelle le vote est organisé, mais il n'est pas impossible que cette forme "ultime" de démocratie finisse aussi par déboucher sur une impasse. Seule la volonté d'éviter le scénario du "no deal" bénéficie d'une majorité claire. Le vote n'est en outre pas contraignant d'un point de vue juridique et May pourrait très bien ne pas en tenir compte.
Il n'est pas étonnant que la livre n'ait pas encore effectué de grand bon en avant. Cela fait déjà quelque temps que les investisseurs à long terme préfère se tenir à l'écart du marché de la livre sterling. Mais les investisseurs avec un horizon plus court ne se laissent désormais plus non plus guidés par les "vicissitudes politiques du moment". Le cours EUR/GBP a gagné un peu de terrain hier (la livre s'est affaiblie) et se maintient pour le moment dans la partie supérieure de la zone de 0,85. La proposition Letwin est une initiative noble, mais elle ne suffira pas à soutenir durablement la monnaie britannique, qui, dans une perspective plus large, s'est déjà solidement renforcée. Affaire à suivre…
Mathias Janssens, salle des marchés KBC