Les Ides de mars pour l'accord de May
Nouvelle journée et nouveau rebondissement dans le dossier du Brexit. Et celui-ci ne joue de nouveau pas en faveur de Theresa May. L'accord négocié par la Première ministre britannique a en effet connu ses propres Ides de mars hier. Le Parlement britannique devait en principe se prononcer pour une troisième fois sur cet accord cet après-midi. Mais le président de la Chambre des communes, John Bercow, s'est opposé à la tenue de ce vote. L'homme aux cravates surprenantes a invoqué une vieille jurisprudence selon laquelle une même motion ne peut être soumise aux députés plusieurs fois. Concrètement, cela signifie que May ne pourra remettre un accord sur la table que si celui-ci est "fondamentalement différent". Si c'était le cas lors du deuxième vote parlementaire effectué la semaine passée, Bercow estime que ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ce "meaningful vote" était pourtant un élément important de la stratégie de May.
La semaine passée, le Parlement britannique a rejeté le Brexit 2.0 de May, mais a néanmoins voté en faveur d'une prolongation de la date butoir (29 mars). Un report était devenu quasiment inéluctable si l'on voulait éviter une sortie du Royaume-Uni sans accord. Rien n'avait cependant encore été décidé sur la durée de ce report. Un report court et de nature technique si le Parlement finissait tout de même par approuver l'accord de May ou un report beaucoup plus long dans les autres cas. May devait encore convaincre les unionistes nord-irlandais du DUP et les partisans d'un Brexit dur de la rejoindre. Et ses efforts ne sont pas restés vains. La figure de proue du Brexit, Jacob Rees-Mogg, a ainsi déclaré hier qu'il était prêt à soutenir l'accord si le DUP faisait de même. Quant aux unionistes, ils ont qualifié les discussions de dernière minute menées avec May hier de "constructives". Mais Bercow a finalement privé le Parlement de ce nouveau vote.
Ce jeudi, May se rendra, très fragilisée, au sommet européen. Selon certains médias, elle demandera à l'UE une prolongation du délai de 9 à (plus de) 12 mois. Même si l'on ne tient pas compte des difficultés pratiques liées à la tenue des élections européennes en mai, l'affaire est encore loin d'être réglée. Un tel report doit en effet être approuvé à l'unanimité par les États membres de l'Union. Et force est de constater que ce scénario a pris du plomb dans l'aile ces dernières semaines. Des rumeurs à propos d'un possible veto de l'Italie ont pendant un moment circulé, avant d'être démenties. Et la France semble également hésiter à accepter un report, si celui-ci ne s'accompagne pas d'une nouvelle vision claire des Britanniques en faveur soit d'un second référendum, soit de nouvelles élections, soit d'une révision de l'accord.
La mi-mars n'aura pas été uniquement fatale à Jules César. Deux mille ans plus tard, l'accord du Brexit dans sa forme actuelle vient probablement aussi d'être enterré. Désormais, toutes les options sont plus que jamais ouvertes. Si l'UE refuse un report, le scénario du "no deal" sera de nouveau sur toutes les lèvres. Si le report est accepté, une nouvelle période de négociation longue et difficile s'ouvrira en vue d'atteindre un Brexit 3.0. Pendant ces discussions, les risques d'un nouveau référendum, d'élections anticipées ou d'un nouveau vote de confiance resteront bien présents. La vigueur affichée par la livre sterling a, à cet égard, de quoi surprendre. La monnaie britannique flirte actuellement avec son niveau le plus élevé depuis mi-2017 (cours EUR/GBP autour de 0,855) et ne semble pas affectée par les turbulences actuelles. Le marché semble être focalisé sur la perspective d'un report du Brexit. Cela nous paraît un peu prématuré. Aux niveaux actuels, la livre n'intègre, selon nous, pas suffisamment les risques. Tant que la situation n'aura pas été éclaircie, nous préférons donc rester prudents par rapport à la monnaie britannique.