Draghi et les siens vont-ils pousser l'EUR/USD au-delà de 1,14?
Le différentiel EUR/USD est depuis novembre prisonnier d'un étroit canal situé grosso modo entre 1,12 et 1,15. Si l'on envisage l'évolution de la paire de devises dans une perspective un peu plus large, on remarque néanmoins une hausse très progressive. Cependant, cette prudente remontée s'est la semaine dernière heurtée à une nouvelle résistance. La croissance américaine plus vigoureuse que prévu rapportée pour le quatrième trimestre de 2018 a fait renaître l'engouement pour le dollar. Le seuil de 1,14 EUR/USD s'est dès lors révélé particulièrement tenace. Cette semaine pourrait marquer un nouveau tournant crucial dans le rétablissement global de l'euro, principalement par rapport au dollar. Le conflit commercial, des statistiques (américaines) cruciales et la Banque centrale européenne (BCE) domineront l'actualité.
Le conflit commercial qui oppose les États-Unis et la Chine plane comme une épée de Damoclès sur l'économie mondiale. Des fonctionnaires américains ont toutefois suggéré dimanche soir que la dernière ligne droite en direction d'un accord définitif venait d'être amorcée. Avant d'y apposer sa signature, la Chine exige la suppression des taxes à l'importation imposées l'année dernière par les États-Unis. Les Américains, cependant, tiennent à conserver la menace des barrières douanières comme moyen de pression. Malgré tout, ils n'ont pas rejeté carrément ce souhait des Chinois. Il ne s'agit que de rumeurs, mais cela n'a en tout cas pas empêché les bourses asiatiques de signer une prestation vigoureuse ce matin. Le différentiel EUR/USD a pour sa part fait preuve d'une plus grande prudence à l'égard de cette dépêche encore non confirmée. Nous pensons néanmoins qu'une percée "officielle" dans le conflit pourrait permettre à l'euro de progresser dans des proportions substantielles.
Cette semaine, des statistiques importantes nous viendront aussi des États-Unis. Une seule exception mise à part — la croissance —, les statistiques américaines se situent dernièrement plutôt dans le bas des fourchettes visées. Sera-ce le cas également, demain, de l'indice de confiance (ISM) du secteur des services et, vendredi, du rapport sur l'emploi? Si le résultat (final) de l'indice de confiance PMI de l'UEM révèle demain de nouveaux signes prudents d'amélioration, la balance pourrait à nouveau pencher en faveur de l'euro.
À l'approche de la réunion de politique de la BCE qui se tiendra jeudi, il est peu probable que les "eurobulls" se risquent à adopter des positions directionnelles. La banque centrale, elle, semble vouloir rester sur la touche. Elle a besoin de davantage de données pour déterminer si l'actuel ralentissement de la croissance est de nature temporaire ou permanente. Il s'agit là en effet d'un élément crucial pour le processus de normalisation très progressif entamé par la BCE en décembre. Les nouvelles prévisions de croissance sont extrêmement importantes dans ce contexte. Nous tenons compte de la possibilité de révisions à la baisse. Quoi qu'il en soit, la correction restera probablement limitée et ne sera de toute façon pas de nature à modifier la communication officielle au sujet des taux d'intérêt (niveau inchangé au moins jusqu'à l'été). Cela correspond en tout cas aux récents commentaires de la BCE, par le truchement notamment de Jens Weidmann et du futur économiste en chef Philip Lane. Il se pourrait par contre que la BCE fasse part pour la première fois d'informations vraiment concrètes au sujet de la nouvelle vague de financements à long terme (TLRO). La normalisation prudente, combinée à une nouvelle injection de liquidités visant à soutenir la croissance intérieure, suffira à notre avis à créer un plancher sous les taux d'intérêt européens et l'euro. L'EUR/USD franchira-t-il encore le seuil de 1,14 dans ces conditions?