Le climat, un défi permanent pour l'économie allemande
Le ralentissement de la croissance allemande est principalement à attribuer à des facteurs temporaires. L'introduction des nouvelles normes d'émission pèse sur la production automobile allemande et a dans l'intervalle contaminé nombre d'autres secteurs de l'industrie. Le bas niveau des eaux du Rhin et d'autres cours d'eau a également posé problème aux grandes entreprises industrielles. En 2018, la chaîne de production a été perturbée par des défis logistiques. La transition énergétique a elle aussi des implications profondes. En marge de la sortie du nucléaire décidée par l'Allemagne, les centrales au charbon et au lignite deviennent de moins en moins acceptables, elles aussi. Tous ces éléments font pression sur la production industrielle dans de nombreux secteurs, mais certainement pas dans tous. L'évolution de la tendance est par exemple plus négative pour le secteur chimique que pour l'industrie automobile (voir graphique). Les secteurs défensifs se montrent également plus résistants.
Nombre d'économistes indiquent que ces facteurs temporaires forment un concours de circonstances. Une combinaison qui explique le ralentissement marqué de la croissance observé au troisième trimestre de 2018. Il est clair entretemps que les effets subsisteront plus d'un ou deux trimestres, mais les perspectives de croissance de pour ainsi dire tous les analystes laissent présager une reprise de l'économie allemande vers la fin de 2019 et en 2020. Le scénario économique de KBC se rallie également à cette vision. Après une croissance de 1,5% en 2018, nous nous attendons à un repli à 0,9% en 2019 suivi d'une remontée à 1,5% en 2020. Plusieurs arguments éloquents plaident en effet en faveur d'un redressement relativement rapide de l'économie allemande. La plupart des constructeurs automobiles réalisent des progrès encourageants dans le cadre de l'adaptation de leur offre de voitures. Le niveau des eaux du Rhin se normalise. Et les autorités allemandes conjuguent leurs efforts à ceux du secteur privé pour que la transition énergétique (le fameux "Energiewende") se déroule le mieux possible. De plus, les finances des pouvoirs publics allemands sont saines et permettent le recours à davantage d'incitants fiscaux pour relancer l'économie. Pour l'instant, ce n'est pas encore nécessaire vu que la vigueur du marché du travail soutient la consommation et que les investissements restent abondants. Seule l'incertitude du contexte international pourrait mettre des bâtons dans les roues. Un Brexit sans accord affectera en effet aussi les exportateurs allemands. Le plus grand risque pour l'Allemagne serait sans nul doute que le conflit commercial finisse par gagner l'Europe. Le maintien d'une croissance vigoureuse aux États-Unis et en Chine pourrait apporter un certain soulagement.
Lorsque des chocs secouent l'économie, la question est toujours de savoir s'ils sont de nature temporaire ou permanente et, dans le premier cas de figure, combien de temps cette situation temporaire est appelée à perdurer. L'avenir économique de l'Allemagne se présente toujours sous d'heureux auspices. Néanmoins, les évolutions que l'on observe actuellement montrent à quel point l'économie allemande est sensible à la problématique du changement climatique. Les facteurs temporaires qui se manifestent aujourd'hui présentent en effet tous un lien avec le climat. Dans l'intervalle, nous réalisons tous que le changement climatique n'a rien d'un phénomène éphémère. L'actuel dérèglement du fonctionnement de l'économie allemande est donc probablement appelé à se représenter à l'avenir… à moins de mettre en place une politique économique prévoyante. Ce qui est vrai pour l'Allemagne l'est évidemment aussi pour tous les autres pays, mais la dépendance relativement marquée de l'Allemagne par rapport aux activités industrielles traditionnelles rend la plus grande économie d'Europe particulièrement vulnérable.
Les marches pour le climat sensibilisent aujourd'hui l'opinion publique, mais le débat social se réduit vite à la problématique de l'énergie ou de la société de consommation. Or, des adaptations structurelles au tissu industriel sont nécessaires pour faire face aux défis que nous lance le climat. L'industrie allemande et les décideurs politiques doivent tirer des enseignements des récents événements. Pour éviter de telles disruptions temporaires à l'avenir, nous allons devoir miser davantage sur la planification à long terme. L'Allemagne en a les moyens. Par ailleurs, elle servira d'exemple aux autres pays d'Europe. Il y a donc du pain sur la planche!