Après une nuit de sommeil...
Hier, nous avions évoqué le fait que le marché n’avait pas vraiment réagi après le coup d’envoi (légèrement camouflé) de la réduction progressive des achats d’obligations de la Fed et, plus largement, l'annonce du début imminent du cycle de normalisation monétaire. Les taux avaient à peine augmenté. Après une nuit de sommeil, le message a apparemment percuté. Les commentaires après la décision de politique de la Banque d’Angleterre (BoE) n’ont certainement pas été le seul élément "déclencheur" de cet ajustement, mais ils ont évidemment pesé dans la balance. De même que le lancement du cycle monétaire de la Norges Bank (relèvement de taux de 25 points de base).
Commençons par Londres. Le président de la BoE, Andrew Bailey, avait déjà déclaré précédemment que les conditions minimales pour un resserrement de la politique commençaient doucement à être remplies. Pourtant, la dynamique de la croissance britannique connaît actuellement des ratés à cause du variant delta, mais aussi des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement. Dans le même temps, l’inflation a fortement augmenté en août (3,2 %). Elle va certainement franchir la barre des 4 % avant la fin de l'année et elle pourrait rester élevée pendant encore longtemps. En août, la BoE avait déjà indiqué que les taux allaient devoir être progressivement rehaussés pour atteindre l’objectif d’inflation. Cette idée n'a cessé de gagner du terrain le mois dernier. Deux gouverneurs ont même estimé que les achats nets d’obligations pouvaient cesser immédiatement.Le marché des taux (britannique) a entendu le message. Le taux à 2 ans a grimpé de plus de 10 points de base. Le marché table sur un premier resserrement de taux à 0,25 % au printemps. La livre a donc bénéficié d'un sérieux coup de pouce. La paire EUR/GBP a arrêté de tester le niveau de 0,86 et s’est à nouveau installée aux alentours de 0,8550.
La réaction ne s’est pas limitée aux marchés britanniques. Les marchés des taux européens ont encore hésité un peu après un PMI de confiance des entrepreneurs moins réjouissant, mais tout s'est débloqué au début de la séance aux États-Unis. Les obligations ont été massivement impactées. La hausse des taux d’intérêt (et le raidissement de la courbe) à laquelle on peut s’attendre en cas de réduction des achats d’obligations s'est désormais enclenchée. Tant aux États-Unis qu'en Europe, les taux ont aisément franchi plusieurs niveaux de résistance technique. Ce mouvement est surtout dû à la hausse des taux réels. Les taux à long terme américains ont gagné jusqu'à 12 points de base. La hausse de 7 points de base du taux de swap européen à 10 ans suggère que le marché estime que ce n'est qu'une question de temps avant que la BCE ne prenne le train de la normalisation. Malgré l'évolution du différentiel de taux en faveur du dollar, l’euro a bien résisté. Hier, le repositionnement sur les marchés des taux s’est encore accompagné d’un sentiment positif à l’égard du risque en raison de la baisse des tensions autour du conglomérat immobilier chinois Evergrande. Ce matin, la hausse des taux (réels) suscite un (léger) regain de nervosité. Il va peut-être falloir s'habituer à un monde où le soutien monétaire devient moins généreux...