Tout (et certainement l’inflation) est passager...

Les marchés

Hier, le président de la Fed, Jerome Powell, et ses collègues ont commenté les évolutions récentes. On s'attendait à ce que le discours soit truffé de nuances. Aucune réduction progressive des achats d’obligations (120 milliards de dollars par mois) ni aucune modification de taux n'ont été évoquées. Force est toutefois de constater que les "nuances" vont plus ou moins toutes dans le même sens.

La Fed n’a eu d’autre choix que d’acter le renforcement de la croissance sur fond d’accélération des vaccinations et de réouverture de la vie sociale. L’emploi s'est redressé, y compris dans les secteurs particulièrement touchés. L’inflation augmente (CPI à 2,6%). Voilà pour les constatations. Ensuite, nous avons eu droit à une "explication" de ce que cela implique pour la politique à la lumière des objectifs de plein emploi et d’inflation légèrement supérieure à 2% de la Fed. Pas grand chose pour le moment.

En ce qui concerne l’emploi, Powell a quasiment rangé la croissance de plus de 900 000 postes enregistrée en mars dans la rubrique des faits divers. Voici ce qu'il a déclaré : "Nous avons reçu un beau rapport sur l’emploi, mais on ne peut pas encore qualifier l'amélioration de significative". C'est uniquement à ce moment-là que la Fed commencera à réfléchir à une éventuelle réduction de ses achats d’obligations. Même le simple fait de réfléchir à une telle éventualité n'est donc pas encore à l'ordre du jour. 8 millions d'emplois doivent encore être récupérés. En matière d’inflation, le mot d'ordre est "passager" ("transitory"). Ce qualificatif s'applique à pratiquement tous les aspects de l’inflation. Effets de base après le recul de l’inflation l’année dernière : passagers. Hausse des prix en raison des pénuries et des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement : passagère. Idem pour l’inflation due à la demande de rattrapage. La remontée historique des cours des matières premières est probablement aussi passagère. Selon le président, les autres arguments en faveur d’un exercice de réflexion sur le rapport coûts-bénéfices de la politique extrêmement souple ne tiennent généralement pas la route. Relèvement des prévisions d’inflation financière ? Celles-ci ne sont pas encore si élevées. Risques pour la stabilité financière ? Certains actifs sont peut-être surévalués, mais le problème n'est certainement pas généralisé. La Fed doit-elle tenir compte des vastes mesures de relance budgétaires ? C’est la responsabilité du politique. En résumé, tant que les données objectives ne seront pas atteintes de manière durable aux yeux de la Fed, la politique restera accommodante.

Dans la lignée de l’évolution récente des prix, le marché n’a pas vraiment contredit la vision de la Fed. Les taux se sont légèrement repliés, même s’ils sont repartis à la hausse ce matin. Les prévisions d’inflation financières continuent toutefois de grimper. Mais combien de temps le marché continuera-t-il de partager cette analyse assez unidirectionnelle de la Fed ? Le premier test grandeur réelle aura lieu tout à l’heure avec le rapport sur la croissance du premier trimestre. Les prévisions tablent sur un solide taux de 6,6% (glissement trimestriel sur une base annuelle) et un déflateur des prix de 2,4%. Pour les "payrolls" la semaine prochaine, la barre est à nouveau placée sur une croissance de près de 900 000 emplois. Combien de temps pourra-t-on encore soutenir que la reprise aura encore besoin un certain temps d'un soutien monétaire extrême, alors même que les mesures de relance budgétaires sont en train de se multiplier ? L’un des principaux "actifs" d’une banque centrale est sa crédibilité. Espérons pour la Fed que le marché restera (encore) aussi conciliant qu'il ne l'a été jusqu’à présent.

Encore quelques mots à propos du dollar. Après une pause au début de cette semaine, le billet vert s’est à nouveau replié pendant la conférence de presse. Notons par ailleurs que, plus tôt dans la journée, le déficit commercial américain (marchandises) a atteint un record historique, surtout en raison de la hausse des importations. Compte tenu du maintien des mesures de relance budgétaires et monétaires accommodantes, cela ne sera probablement pas temporaire. Jusqu’à présent, les déficits n’ont pas encore beaucoup influé sur l'évolution du dollar. Reste à savoir si/quand le marché reverra sa copie. 

Figuur - Taux américains : réels (vert), prévisions d’inflation (rouge) nominaux (jaune) : combien de temps le marché va-t-il encore suivre la Fed?

Bron: Bloomberg

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