Emploi américain: cette fois, c’est différent

Les marchés

Vendredi dernier, le Bureau of Labour Statistics américain a publié son dernier rapport sur l’emploi. En décembre, contre les attentes, 140 000 emplois ont été perdus. Le marché tablait pourtant sur une nouvelle augmentation de 71 000 emplois. Cette baisse inopinée enterre la tendance haussière de l’emploi qui s’était engagée depuis mai 2020.

Elle enterre aussi les espoirs de certains analystes d’assister à une forte reprise en V de l’emploi américain. Après la première phase de la crise – marquée par une perte de plus de 20 millions d’emplois –, l’emploi avait en effet fortement rebondi, avec une création nette de plus de 10 millions d’emplois au cours des mois suivants. Cette relance et cette résilience de l’emploi avaient manifesté une rupture de la tendance des crises précédentes, où la réponse du marché de l’emploi avait été beaucoup plus progressive et caractérisée par une plus grande inertie. Or le ralentissement de la dynamique ces derniers mois remet en cause l’hypothèse qui veut que “cette fois, c’est différent”. La baisse coïncide en partie avec l’intensification de la deuxième vague de la pandémie. Une stabilisation, voire une baisse de l’emploi, n’était donc pas à exclure et balaie le scénario d’une reprise V sur le marché du travail.

 

Néanmoins, il est important d’en approfondir les causes. Contrairement aux crises précédentes, la perte d’emploi aux États-Unis est fortement concentrée dans un nombre limité de secteurs. La baisse prononcée de décembre est avant tout due au secteur Leisure & Hospitality (horeca): près de 500 000 emplois y ont été perdus.  Dans la plupart des autres secteurs, en particulier la prestation de services aux entreprises (+160 000) et le commerce de détail (+120 000), il est plutôt question d’une création nette d’emploi. La dégradation actuelle du marché est donc bel et bien étroitement liée à la pandémie, qui met sous pression les secteurs à forte intensité de contacts, comme l’horeca.

Portons le regard un peu plus loin à l’horizon et les perspectives du marché de l’emploi américain restent globalement plutôt positives. D’une part, la pression sur les secteurs à forte intensité de contacts diminuera à mesure que les campagnes de vaccination seront lancées avec succès et que ces pans de l’économie pourront redémarrer. D’autre part, une nouvelle enveloppe de mesures de relance a récemment été approuvé pour les chômeurs et les entreprises. Et avec l’attribution récente des deux derniers sièges du Sénat au parti démocrate, le président élu Biden a vu les bases de son pouvoir se renforcer. Les chances de pouvoir poursuivre une politique budgétaire expansive augmentent d’autant. Dès lors et bien qu’une reprise en V sur le marché de l’emploi américain devienne improbable, une relance rapide demeure possible. Et c’est bien différent des crises précédentes.

Hans Dewachter, KBC Group Chief Economist

États-Unis, Nonfarm Payrolls, SA: pertes d’emplois depuis le début de la crise/récession jusqu’à 24 mois plus tard

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