Nouveau scénario dommageable pour les marchés
Nous ne le répéterons jamais assez : sur les marchés financiers, tout tourne autour des attentes. Lorsque celles-ci changent, d'importants mouvements suivent sur les marchés. Nous avons d'ailleurs assisté à un cas d'école hier, lorsque le géant pharmaceutique américain Pfizer a annoncé que son vaccin était extrêmement efficace contre le Covid-19.
Les investisseurs se rendent compte que l'annonce de Pfizer n'est pas une énième nouvelle anodine autour des vaccins. Pour la première fois, ils entrevoient une lumière au bout du tunnel Covid et ils ont donc revu leur scénario en conséquence. Jusqu'à hier, le marché était encore convaincu que la prochaine phase de la crise serait une troisième vague de contaminations au début de l'année prochaine. Le scénario misant sur un assouplissement des mesures à Noël et au Nouvel an et un rebond de la pandémie ensuite, à l'image de ce que nous avons connu cet été. Les nouvelles attentes tablent maintenant sur une immunité de groupe, une fois que nous serons sortis du rebond actuel. Les développements de vaccins se trouvent déjà à un stade très avancé. Et Pfizer fait actuellement la course en tête sur ce marché concurrentiel. Mais d'autres rivaux suivront avec des résultats similaires. Plus de 90% des personnes sur lesquelles Pfizer a testé son vaccin n'ont pas été contaminées. Or, on tablait plutôt sur taux d'efficacité de l'ordre de 50 à 60%. Ces vaccins extrêmement efficaces pourraient donc faire disparaître le Covid-19 bien plus rapidement que prévu.
Hier, les marchés ont réagi en conséquence. Les bourses européennes ont progressé de 5%-8%. Une rotation en faveur des secteurs restés à la traîne, comme le tourisme, a clairement été observée. L'indice EuroStoxx 50 a testé son sommet de juillet, mais aucune rupture n'a encore eu lieu. Les prix des matières premières et les taux d'intérêt ont fortement augmenté. Le sentiment positif à l'égard du risque et l'espoir d'une amélioration économique ont pour effet de relancer le "reflation trade". Le taux des swaps européens à 10 ans cote aujourd'hui, pour la première fois depuis début septembre, au-dessus de -0,20%. Sur le marché des changes, le dollar s'est mieux comporté, tant par rapport au yen que par rapport à l'euro, dans ce climat de marché positif. Le cours EUR/USD n'est pas parvenu à rompre le seuil de résistance technique de 1,1881 et est retombé en terrain connu.
Le nouveau scénario est une excellente nouvelle d'un point de vue social. Nous en avons assez d'être confinés. Sur le plan économique, il offre enfin des perspectives aux entreprises qui parviennent à peine à garder la tête hors de l'eau pour le moment. Pour les marchés financiers, la situation pourrait en revanche devenir compliquée après des semaines de progression. L'ancien scénario tenait compte de plans de soutien monétaires et budgétaires successifs visant à protéger l'économie. Dans le nouveau scénario, le stimulus monétaire que la BCE prépare pour décembre pourrait être le dernier avant longtemps. Certaines mesures exceptionnelles comme le Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP) ne resteront en vigueur que tant que la crise du Covid fera rage. La hausse sur la partie courte des courbes de taux européennes (+5 points de base) en dit déjà long. La solidarité fiscale européenne qui a vu le jour en juillet après de nombreuses palabres ne résistera pas dans ce scénario. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la fin de la pandémie pourrait donc montrer à quel point certains segments des marchés financiers sont devenus dépendants des mesures de soutien inconditionnelles et sans précédent mises en œuvre pendant la crise.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC