L'industrie allemande masque une réalité morose
IHS Markit a publié aujourd'hui ses indicateurs PMI de confiance des entrepreneurs. Cette enquête mensuelle menée auprès des directeurs d'achat donne le meilleur instantané possible de la situation économique. Les chiffres d'octobre confirment les signes de dégradation du mois précédent. La reprise du troisième trimestre n'a été qu'un petit répit pour un patient dont l'état ne s'améliore toujours pas. Bien au contraire. Le scénario redouté d'un “double creux” devient réalité.
Le PMI composite est passé de 50,4 à 49,4 en zone euro. La situation pourrait donc paraître encore acceptable, si ce n'était que le seuil de 50 marque la limite entre croissance économique et contraction. L'aiguille du baromètre est donc retombée du mauvais côté pour la première fois depuis juin. Au niveau sous-jacent, l'économie de la zone euro tourne à deux vitesses. L'industrie manufacturière axée sur les exportations envoie des signes encourageants, grâce surtout à la forte demande en provenance d'Asie (Chine) et des États-Unis. Le PMI de l'UEM est passé de 53,7 à 54,7 dans le secteur. Malheureusement, il est de nouveau question d'une évolution à deux vitesses. La hausse du PMI européen s'explique uniquement par la progression du moteur de croissance allemand. L'indicateur allemand est ainsi passé de 56,4 à 58 ; une prouesse que le pays n'est parvenu à réaliser qu'à deux reprises au cours de ces 25 dernières années. Dans le reste de l'Europe, l'industrie manufacturière est de nouveau en recul. En outre, les emplois continuent de disparaître dans le secteur et les entreprises n'avaient plus été aussi pessimistes sur l'évolution à 12 mois depuis mai.
La situation dans le secteur des services s'est encore dégradée. Malheureusement, ce secteur est le principal moteur de la croissance économique dans la zone euro. Le PMI des services est ainsi passé de 48 à 46,2. Abstraction faite du printemps exceptionnel que nous avons connu, il s'agit du niveau le plus faible enregistré depuis 2013. Cela s'explique évidemment en partie par la hausse exponentielle des cas de coronavirus et la paralysie de la société qui en résulte. Les derniers développements suggèrent que le secteur des services et la consommation intérieure qui y est étroitement liée seront encore sous pression en novembre. Les détails font état d'une forte chute des carnets de commandes, d'un nouveau ralentissement de la création d'emplois et d'une résorption des arriérés.
Les PMI brossent donc une vision pessimiste de l'avenir. L'économiste en chef d'IHS Markit appelle à de nouveaux soutiens budgétaires et monétaires afin d'amortir le choc économique. En l'absence de telles mesures, les scénarios catastrophes récemment esquissés par le FMI ou McKinsey risqueraient en effet de devenir réalité. Ces scénarios indiquent qu'entre 40% et 50% des PME européennes pourraient rencontrer des problèmes de solvabilité cette année. La réaction des marchés après la publication des PMI mérite d'être signalée. Le marché des taux n'a quasiment pas bougé, alors que l'euro a réagi face à la vigueur des chiffres allemands. Le cours EUR/USD, qui tournait autour de 1,18, a ainsi pris la direction de 1,1840. Si même les mauvaises statistiques économiques n'ont plus d'impact négatif sur le cours, le sommet correctif autour de 1,20 de cet été pourrait à nouveau se profiler plus rapidement que prévu. Les bourses européennes ont également gagné jusqu' à 1% aujourd'hui.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC