Une année 2019 autour des bilans?
Ces dernières semaines, les discussions ont beaucoup tourné autour des cycles de taux aux États-Unis et dans l'UEM. En décembre, la Fed a ainsi revu ses prévisions de quatre (trois en 2019 et une en 2020) à trois hausses de taux (deux en 2019 et une en 2020) durant ce cycle. Pour le marché en revanche, le taux directeur aurait déjà atteint son pic cyclique aujourd'hui. Dans la zone euro, la BCE soutient depuis l'année passée que le premier resserrement de taux n'aura pas lieu avant le dernier trimestre de cette année. Le marché estime quant à lui qu'il faudra encore attendre jusqu'en fin 2020. Si les prévisions de taux seront toujours suivies de près, ce sont toutefois surtout les bilans des banques centrales qui devraient être au centre de toutes les attentions cette année. Ce thème est souvent passé au second plan jusqu'à maintenant.
La politique monétaire de la Banque centrale européenne restera souple tant qu'elle s'en tiendra au principe d'un bilan total constant. Ces dernières années, la BCE a, via ses achats d'obligations (principalement des emprunts d'État), utilisé son bilan pour injecter des liquidités dans le marché. Bien qu'elle ait mis un terme à ce programme en fin 2018, la banque va encore acheter pour 167,5 milliards d'euros d'obligations souveraines cette année en réinvestissant les fonds provenant des obligations arrivant à échéance. Sur la base du montant total (2 171 milliards d'euros) et de la durée pondérée moyenne (7,37 ans) de ce portefeuille, nous pensons que le montant annuel des réinvestissements devrait encore augmenter. Pendant la crise, la BCE avait aussi soutenu le secteur financier via des facilités de crédit spéciales. Les lignes existantes arriveront à échéance en 2020, mais nous pensons que la banque centrale prévoira déjà une solution alternative cette année afin d'éviter les problèmes dans certaines institutions (périphériques). De manière générale, ces interventions via le bilan pèseront beaucoup plus dans la balance qu'une éventuelle première hausse symbolique des taux en fin d'année.
Aux États-Unis, la banque centrale a débuté sa cure d'amaigrissement au dernier trimestre de 2017. Depuis, elle a aussi déjà relevé son taux directeur de 25 points de base à quatre reprises. Le bilan de la Réserve fédérale américaine avait gonflé à 4 500 milliards de dollars, dont 2 500 dollars en obligations d'État. La taille du bilan a commencé à être réduite à un rythme de 10 milliards de dollars par mois et le processus a ensuite pris sa vitesse de croisière de 50 milliards de dollars par mois à partir d'octobre 2018. Le bilan total de la Fed s'élève aujourd'hui à 4 050 milliards de dollars, dont 2 200 milliards de dollars d'obligations publiques. La Réserve fédérale n'a jamais fixé d'objectif préalable à ce sujet. Le bilan pèsera en fait plus lourd qu'avant la crise (< 1 000 milliards de dollars), mais moins qu'aujourd'hui. Durant la réunion de politique de la banque en décembre, le président, Jerome Powell, a déclaré à deux reprises que la réduction du bilan allait désormais passer en pilotage automatique. En 2019, la Fed devrait donc encore retirer 600 milliards de dollars de liquidités supplémentaires du marché. Un message que les investisseurs ont eu plus de mal à digérer que la persistance de l'écart entre les projections de taux de la Fed et celles du marché pour 2019. Ce sont surtout les bourses qui souffrent d'une dépendance aux liquidités. Ce n'est que lorsque le président de la Fed et d'autres gouverneurs ont expliqué en début d'année que le rythme de la réduction du bilan n'était pas gravé dans le marbre que les esprits se sont apaisés. Par ces déclarations, ils ont laissé sous-entendre que le "put de la Fed" était encore d'actualité. Ce "put" correspond à la garantie de plancher pour les taux offerte par la Fed pendant la crise via sa politique extrêmement accommodante. Dans un contexte de ralentissement de la croissance mondiale, la volatilité augmentera à chaque fois que le marché remettra en question l'existence de ce put.