Un nouveau rendez-vous avec l'histoire monétaire?
Depuis plus de quarante ans, le département régional de la Fed de Kansas City organise une rencontre monétaire dans le cadre idyllique du Jackson Hole. La liste des invités et des orateurs regorge chaque année de banquiers centraux, de ministres des Finances et de la crème du monde académique. Au cours de la décennie écoulée, les présidents de la Fed Ben Bernanke, Janet Yellen et Jerome Powell ont fait de ce sommet informel un événement culte. Ben Bernanke y a ainsi introduit la notion d'achat d'actifs effréné, Janet Yellen y a posé les bases d'un cycle de relèvements de taux et Jerome Powell y a fait entrer la problématique commerciale dans le viseur de la Fed, ce qui a entraîné le revirement définitif des taux. Cette année, la réunion monétaire se tiendra jeudi et vendredi prochains et tournera autour de la politique monétaire de la nouvelle décennie.
Le sujet trahit quelque peu les intentions de la banque centrale américaine. La pandémie de coronavirus n'a pas seulement gâché l'audit interne planifié de la Banque centrale européenne. Le calendrier de la Fed s'est également dégradé. Le procès-verbal de la réunion précédente de la Fed laissait cependant présager un jet de fumée blanche. Peut-être dès jeudi. Vu le thème, Jerome Powell pourrait lever un coin du voile sur l'objectif d'inflation de la Fed. D'une manière générale, on s'attend à ce que celui-ci soit reformulé officiellement. Le précédent thème - garantir la stabilité des prix - date de l'époque où la lutte contre l'inflation trop élevée était au centre des préoccupations. Le nouveau défi porte sur la mise en œuvre d'une politique monétaire sur fond de taux plancher. En ce qui concerne l'inflation, l'accent est davantage mis sur le caractère symétrique de l'objectif. Concrètement, la Fed tolérera plus longtemps un niveau d'inflation plus élevé pour compenser l'inflation <2% de la dernière décennie. Elle pourrait encore reporter le début d'un nouveau cycle de resserrement. La gouverneuse Lael Brainard, responsable de l'audit, a en outre proposé un ancrage de la politique de communication. Concrètement, le taux directeur peut par exemple être lié à des objectifs quantifiables relatifs à l'emploi ou à l'inflation (overshoot). La dynamique à suivre en cas d'assouplissement supplémentaire n'est pas claire. La proposition de Lael Brainard d'instaurer des objectifs de taux explicites pour différentes durées n'est pas (encore) accueillie chaleureusement. La majorité estime que les attentes du marché des taux sont toutefois très précises. Outre la stratégie à long terme, nous sommes également attentifs aux conseils à court terme. Les regards se tournent à nouveau vers la Fed pour (continuer à) soutenir l'économie dans un contexte de deuxième vague de contamination américaine, d'appui fiscal dégressif et de reprise difficile.
En ce qui concerne les marchés financiers, le discours de Jerome Powell devrait tenir compte du dollar et des taux américains. Vendredi dernier, la faiblesse des PMI a ramené le différentiel EUR/USD dans la fourchette située grosso modo entre 1,17 et 1,1950. Le taux américain à 10 ans retombe en direction de la zone de support de 0,5%-0,6%.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC