Des obligations corona européennes à l’horizon?

Les marchés

Dans les périodes de crise aiguë, financière ou autre, les week-ends suscitent généralement l’espoir de grandes mesures coordonnées. Actuellement, les pays s’en tiennent toutefois à des mesures individuelles, comme en Belgique. Pas d’action multilatérale du G7, par exemple, pour freiner la hausse du dollar qui découle d’une demande incessante de liquidités en USD dans le système financier. Pas non plus de cadre (financier) en Europe pour l’instant… Néanmoins, le commissaire européen aux affaires économiques et financières, Paolo Gentiloni, a laissé entendre qu’un plan fiscal se prépare au niveau européen. Des décisions pourraient donc déjà être prises lors d’un sommet européen prévu plus tard dans la semaine. Bien entendu, une telle initiative devra être financée. Pour présenter les choses simplement, l’on pourrait dire que l’Europe cherche une réponse à la question suivante: à quoi pourraient ou devraient ressembler des “obligations corona”?

Une réponse fiscale européenne à la crise du coronavirus se fonde sur plusieurs mécanismes européens existants. En premier lieu, les regards se tournent vers le MES, le mécanisme européen de stabilité. Celui-ci a été mis en place à la suite de la crise financière pour soutenir, le cas échéant, les pays au sein de l’UEM – comme la Grèce – qui seraient en difficulté. Passons en revue certaines spécificités juridiques et techniques de ce mécanisme: le fonds dispose théoriquement de quelque 500 milliards d’euros, principalement sous forme de garanties fournies par les États membres. Le MES peut ainsi mettre des fonds ou des lignes de crédit à la disposition des pays. L’accès à ces moyens financiers est toutefois soumis à la condition que les pays bénéficiaires s’engagent à redresser “à terme” leur situation budgétaire. Après la conclusion d’un protocole d’accord, via un programme d’OMT, la BCE peut racheter des obligations d’État du pays concerné à concurrence d’un montant illimité si nécessaire pour garantir la stabilité du marché.

La structure et les éléments constitutifs du MES et du système d’OMT annoncent ainsi la couleur des décisions cruciales que les politiciens européens devront prendre. Parmi les questions à régler: à quoi les fonds pourront-ils être consacrés? Devront-ils impérativement être alloués au financement direct des soins de santé, ou pourront-ils être affectés à d’autres objectifs économiques? Des conditions budgétaires seront-elles imposées si des pays comme l’Italie ou l’Espagne font appel aux fonds du MSE? Et quel pourra être le rôle de la BCE dans ce cadre: achètera-t-elle les obligations du MSE?

En bref, une réponse européenne à la crise du coronavirus touche inévitablement au cœur financier de la construction européenne. La crise du coronavirus incitera-t-elle l’Europe à adopter une stratégie de responsabilité financière commune pour faire face au plus grand défi économique depuis des décennies? Et avec le soutien de la BCE, se dirigera-t-elle petit à petit vers une forme de financement monétaire? Dans cette perspective, les semaines à venir seront non seulement critiques pour l’avenir économique, mais aussi pour l’ensemble du projet économique et monétaire de l’Europe. L’issue de ce débat aura en outre une importance capitale pour la qualité relative du crédit et donc pour l’évolution des prix des obligations d’État de l’UEM.
 

Figuur - La qualité relative du crédit des pays de l’UEM à la croisée des chemins?

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