Les corrélations traditionnelles disparaissent
La volatilité demeure particulièrement importante sur les marchés financiers. Plusieurs corrélations traditionnelles ont disparu au cours du mois écoulé. Aujourd'hui, nous avons décidé de nous concentrer sur différents sous-marchés. À commencer par celui des taux. Le taux swap à 10 ans européen est passé de 0,23% en début d'année à un plancher d'environ -0,37% (plus bas d'août 2019) le 9 mars. Depuis, il est remonté au niveau où il se trouvait au début de l'année. Les mouvements observés en Allemagne et aux États-Unis ne sont pas de la même amplitude, mais ils sont orientés dans la même direction. Les taux grimpent alors que les banques centrales du monde entier ramènent leurs taux directeurs à 0% et commencent à racheter massivement des obligations. En outre, le marché commence doucement à craindre une prolongation des mesures de quarantaine et des répercussions beaucoup plus importantes sur l'économie. Comment expliquer cette forte hausse des taux? Ce mouvement est en premier lieu dû à une réaction de panique. Durant la première quinzaine du mois, le marché est passé d'un sentiment de récession à un sentiment de crise. Dans ces circonstances, seul le cash est roi et les investisseurs se débarrassent de leurs actifs, quel que soit leur niveau de risque (de l'or aux obligations d'entreprise). Les obligations d'État américaines et allemandes n'échappent pas à la règle. Entre mi-février et mi-mars, l'indice EuroStoxx 50 a perdu environ 40% de sa valeur. Il semble néanmoins que les records de vente de ce lundi ne se répéteront pas sur le court terme, ce qui devrait offrir un peu de répit. Mais revenons aux marchés des taux. Outre la réaction monétaire, les autorités budgétaires sont aussi passées à l'action. Aux États-Unis, l'administration a annoncé en grande pompe des mesures d'urgence à hauteur de 1.000 milliards de dollars. Même l'Allemagne pourrait renoncer à son sacro-saint "Schwarze Null" (déficit zéro) dans les prochains jours. Ces énormes mesures de soutien ont évidemment un coût. Les déficits budgétaires et les dettes vont grimper de façon exponentielle. Nous avions déjà insisté sur le fait que, après avoir disparu des radars, les primes de risque de crédit allaient faire leur retour. Cela vaut surtout pour les obligations d'entreprise, mais les dettes souveraines ne sont pas non plus épargnées (même après l'augmentation des achats d'obligations par la BCE). Même pas celles des États-Unis et de l'Allemagne.
Le marché des changes a connu un revirement similaire à celui observé sur le marché des taux. Le dollar américain a, dans un premier temps, perdu beaucoup de terrain, car c'est lui qui avait le plus à perdre, tant sur le plan monétaire (soutien des taux) que sur le plan économique (meilleure croissance). Mais le billet vert a ensuite repris des couleurs au début du mois. Lorsque la situation devient particulièrement délicate, le dollar profite toujours de son statut de "valeur refuge" préférée des investisseurs. Le billet vert a donc gagné du terrain par rapport à toutes les autres grandes devises (euro, yen) et a relégué les autres (y compris la livre sterling) au même rang que celles des pays émergents. Alors qu'il y a peu, tout le monde tentait encore d'affaiblir sa monnaie afin de protéger ses exportations et son économie, c'est le mouvement inverse qui s'est aujourd'hui enclenché. Les banques centrales, de l'Inde à la Norvège en passant par la Tchéquie, menacent maintenant d'intervenir afin d'endiguer la chute de leur monnaie. Si l'on ajoute à cela les baisses de taux, cela démontre le caractère exceptionnel du contexte actuel sur les marchés. La vigueur généralisée du dollar est telle que notre "out-of-the-money call" pour de nouveaux accords du Plaza s'en voir renforcé. La réunion du G7 de ce week-end devrait ramener le calme sur le marché (des changes) à court terme. À plus long terme, nous craignons que les mesures de quarantaine soient prolongées et que l'impact sur l'économie soit plus important. Les premiers chiffres publiés aux États-Unis et en Europe pour le mois de mars seront déjà révélateurs.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC