Pas de précipitation à la BCE ?
Nous sommes à la veille d’une nouvelle réunion de politique passionnante à la BCE. Jeudi prochain, la présidente, Christine Lagarde, et son équipe, se pencheront sur la politique monétaire. Sur la table des discussions se trouvera surtout le Programme d'achats d'urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme ou PEPP). En mars, la BCE avait promis d’augmenter considérablement le rythme des achats durant ce trimestre. La forte hausse des taux d’intérêt en Europe au cours des trois premiers mois de l’année, sous l’impulsion des États-Unis (et du Royaume-Uni), combinée à la nouvelle vague de coronavirus qui a touché l’Europe, avait déclenché des sonnettes d'alarme à la banque centrale.
Jeudi, pratiquement trois mois se seront écoulés depuis lors. La campagne de vaccination européenne s'est fortement accélérée, passant d’à peine 10 injections pour 100 Européens à 60 (90 aux États-Unis, 100 au Royaume-Uni), avec environ 20 % de la population déjà entièrement vaccinée (40 % aux États-Unis et au Royaume-Uni). De premiers assouplissements ont déjà eu lieu et les prochains sont prévus pour bientôt. Les PMI européens ont confirmé ce que tout le monde avait déjà ressenti : l’économie (des services) respire à nouveau. Les nouvelles prévisions de croissance devraient donc être revues à la hausse et la banque centrale devrait également relever ses attentes en matière d’inflation. Celle-ci s'est encore accélérée, à 2 %, le mois dernier. La BCE avait prévu ce niveau pour le troisième trimestre. Mais nous ne pouvons toutefois pas en tirer de grandes conclusions. Cela reste "temporaire", comme vous le savez.
Reste à savoir si l'amélioration macroéconomique sera suffisante pour lever un peu le pied de l’accélérateur au troisième trimestre. Les avis divergent, mais nous pensons que ce sera le cas. Le taux à dix ans pondéré par le PIB au sein de l'UEM est aujourd'hui plus élevé que lors de la dernière réunion de la BCE en avril. Mais il s’agit d’une hausse naturelle, exactement comme la membre du directoire de la banque Isabel Schnabel les apprécie. La banque centrale doit également tenir compte d’un certain nombre de considérations techniques. Ainsi, nous allons bientôt arriver à l'habituelle trêve estivale, caractérisée par une baisse des échanges et des liquidités. La BCE voudra-t-elle encore injecter 20 milliards d’euros par semaine sur le marché ? Par ailleurs, nous soupçonnons la banque centrale de ne pas vouloir épuiser totalement l’enveloppe d’environ 700 milliards d’euros (fin prévue en mars 2022). Elle pourrait alors affecter le montant restant à "l’ancien" programme APP. Elle assurerait ainsi une transition fluide vers une ère sans PEPP. À court terme, cela signifierait toutefois plus de retenue.
La réaction des marchés dépend du ton adopté par la BCE. Les récents commentaires, notamment de la présidente elle-même, suggèrent que la BCE ne veut pas aller trop vite en besogne. Les taux et l’euro ont donc réagi en conséquence. Le taux allemand à 10 ans est repassé de -0,10 % à la zone de support de -0,20 %. Le cours EUR/USD a plongé sous 1,22. En d’autres termes, les marchés anticipent une BCE accommodante. C’est précisément pour cette raison que nous voyons surtout des risques de hausse des taux en Europe (premier niveau de résistance pour le taux allemand à 10 ans autour de -0,15 %) et de renforcement de l'euro (avec une référence technique proche de 1,2243).