Noël précoce en 2019
Adieu l'élégance à l'italienne, bonjour la solennité à la française. Bien plus à l'aise que son prédécesseur en anglais, Christine Lagarde a fêté ses grands débuts à la tête de la BCE hier. Un véritable changement de style après huit années de Mario Draghi. Mais sur le fond, rien n'a encore vraiment changé.
Pour ses débuts, Lagarde s'est en effet inscrite dans la continuité de son prédécesseur, mais en adoptant tout de même un ton un peu plus optimiste. La nouvelle présidente observe en effet des signes de stabilisation. La BCE note que les risques pour la croissance sont toujours baissiers, mais qu'ils sont moins prononcés qu'auparavant. Il s'agit de la seule modification significative apportée au communiqué. Les nouvelles prévisions font état d'une croissance économique inférieure à son potentiel et d'une inflation en dessous de l'objectif de 2% sur l'horizon de politique de la banque. Quant à la revue stratégique en cours, la Française s'est montrée peu loquace. L'exercice durera jusqu'en fin 2020 et comprendra, entre autres, une évaluation approfondie des outils dont dispose la banque. Petite touche de créativité à mettre tout de même à son actif, elle vient d'étoffer le bestiaire monétaire en se qualifiant elle-même de chouette. En se décrivant de la sorte, Lagarde veut insister sur le fait qu'elle n'est ni une colombe ni un faucon et qu'elle cherchera toujours à trouver un consensus. Tout cela a néanmoins laissé les analystes sur leur faim. Heureusement, ces derniers peuvent toujours compter sur Trump pour l'animation.
À la fin de la conférence de presse de Lagarde, le président américain a évoqué l'imminence d'un accord - qu'il a par la suite approuvé - entre les États-Unis et la Chine. L'augmentation prévue (pour dimanche) des droits de douane n'est désormais plus d'actualité. Les États-Unis envisagent en outre de réduire de moitié les taxes existantes, à condition que les Chinois augmentent leurs achats de produits agricoles américains et prennent des mesures de protection de la propriété intellectuelle. Le communiqué officiel sera publié aujourd'hui, mais le marché n'a pas attendu et a gagné du terrain dès hier. Les bourses américaines ont battu de nouveaux records et les taux sur les obligations d'État "sûres" ont gagné jusqu'à 10 points de base (États-Unis). L'impact du commerce sur la paire EUR/USD est souvent ambigu. Récemment, c'est surtout le billet vert qui a profité des annonces d'avancées dans la saga commerciale. Et cela a encore été le cas hier. Mais la paire de devises est en fait entrée dans un sprint final grâce à l'électeur britannique...
Les bureaux de vote ont fermé leurs portes à 23h00 hier au Royaume-Uni. Les premiers sondages à la sortie des urnes ont directement annoncé une victoire du parti conservateur de Boris Johnson. Les résultats sont clairs: les Tories ont raflé plus de 360 sièges sur les 650 que compte le Parlement, la plus forte majorité obtenue depuis Thatcher en 1987. Le parti d'opposition des travaillistes a en revanche essuyé une véritable raclée, avec seulement 200 sièges. Ce sont donc les dernières élections auxquelles participait le patron du Labour, Jeremy Corbyn La victoire écrasante de Johnson signifie que le Brexit aura plus que probablement lieu le 31 janvier 2020. Le spectre d'une sortie chaotique s'est donc éloigné, du moins pour un moment. La livre a accueilli la nouvelle en fanfare. Le cours EUR/GBP a chuté en direction de 0,83, son niveau le plus faible (le plus fort pour la monnaie britannique) depuis le référendum sur le Brexit en juin 2016! L'euro en a aussi profité vis-à-vis du dollar, avec un cours EUR/USD testant le niveau de résistance de 1,118. Les taux allemands continuent de grimper comme hier.
La disparation (provisoire) de deux facteurs de risque importants offre une bouffée d'oxygène au marché. Mais nous nous trouvons aujourd'hui à un moment charnière. Pour que le rallye de soulagement actuel maintienne son rythme, il aura plus que jamais besoin d'être soutenu par les chiffres économiques, surtout en Europe. La prochaine étape importante à cet égard aura lieu la semaine prochaine avec la publication de l'indicateur PMI de confiance des entreprises dans la zone euro. En espérant que la stabilisation évoquée par Lagarde se confirme...
Mathias Janssens, salle des marchés KBC