Troisième abaissement des taux de la part de la RBA
La banque centrale australienne a tenu hier sa réunion de politique d'octobre. Le gouverneur Lowe et les siens ont décidé à cette occasion d'abaisser les taux de 25 points de base pour la troisième fois cette année. Le taux directeur atteint ainsi un nouveau plancher historique de 0,75%. La décision était dans une large mesure attendue. Nous nous proposons d'analyser plus en détail le raisonnement suivi par la RBA.
Le conflit commercial qui perdure entre les États-Unis et la Chine plane comme une épée de Damoclès sur l'économie australienne, et par extension sur l'économie mondiale. Aucune percée n'est réellement en vue pour l'instant, ce qui pèse sur le sentiment des entreprises. Selon la banque centrale, l'incertitude incite ces dernières à différer leurs investissements. Le marché du travail ne se porte par contre pas si mal, tout comme d'ailleurs dans nombre d'autres pays. Le taux de chômage se stabilise aux alentours d'un niveau relativement bas (5,3%), et le taux de participation (66,2%) affiche un niveau record. La croissance de l'emploi tient bon, même si son rythme a dernièrement ralenti. Lowe et les siens sont d'avis que ce ralentissement est appelé à se poursuivre à court terme. La croissance salariale reste elle aussi plutôt modérée, ce que la RBA ne voit pas d'un bon œil. La consommation intérieure s'en ressent en effet, alors qu'elle est un moteur crucial de la croissance économique. Au sujet de cette dernière, la banque centrale se montre cependant prudemment optimiste: l'Australie pourrait avoir atteint un tournant au premier semestre de 2019, après la faiblesse observée au second semestre de 2018. La faiblesse des taux d'intérêt, les réductions d'impôt, les travaux d'infrastructure et la stabilisation du marché immobilier et des matières premières devraient selon les attentes soutenir la croissance.
L'inflation reste toutefois à la traîne. Du fait des réserves de main-d'œuvre impressionnantes de l'Australie (et donc de la croissance salariale restreinte), il n'est que peu question jusqu'ici d'une pression inflationniste. La RBA s'attend à ce que l'inflation fluctue dans les années à venir aux alentours de la limite inférieure de son objectif de 2-3%. Elle estime dès lors que tant la marge qui subsiste sur le marché du travail que l'inflation obstinément basse justifient l'abaissement des taux. Elle se dit même disposée à un nouvel assouplissement si le besoin s'en faisait sentir.
La décision n'est pas à l'abri des critiques. Le gouverneur Lowe est pour sa part toujours convaincu de l'efficacité de la politique monétaire. Il pourrait difficilement en être autrement. Cependant, le débat quant à l'utilité marginale d'un abaissement des taux et aux potentiels effets négatifs des taux (extrêmement) bas semble désormais lancé en Australie également.
Le dollar australien est sous pression depuis longtemps, en particulier par rapport à son grand frère américain. La devise a encore perdu du terrain hier dans le sillage de la décision en matière de taux d'intérêt, et le différentiel se rapproche désormais de 0,67 AUD/USD. Il s'agit là du niveau le plus bas observé depuis début 2009. À ces niveaux, la devise tient déjà compte dans une large mesure des mauvaises nouvelles (incertitude commerciale). Le ralentissement global de la croissance se poursuit cependant sans discontinuer. Pis encore: l'ISM décevant publié hier pour l'industrie manufacturière laissait même à penser que les États-Unis se rapprochent peu à peu de la "zone de danger". Dans un tel contexte, nous avons tendance à faire preuve de prudence à l'égard de la devise vu le "risque" que la RBA procède à de nouveaux abaissements des taux. Le marché anticipe désormais un nouvel abaissement au premier trimestre de 2020.